Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/98

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Tout le monde, à ces conditions, voulant vendre de la rente et prendre de l’emprunt, il y aura baisse sur le 4 ½ et hausse des titres de l’emprunt, oscillation sur les deux valeurs : ce qui signifie que le gouvernement, pour trouver 75 millions réels à emprunter, est obligé d’offrir aux souscripteurs de l’emprunt, à leurs cessionnaires et sous-cessionnaires une curée de 25 à 30 millions, plus ou moins ; le tout aux dépens du Trésor, des rentiers de l’État et du pays. Évidemment les porteurs de rente ont intérêt à savoir ce qui se passe, afin de se conduire au mieux de leurs intérêts.

Supposons que la Californie, l’Australie, le Pérou et l’Oural versent tout à coup, dans la circulation, une masse de métaux précieux double de celle qui sert aujourd’hui à la circulation monétaire de l’Europe. La valeur de l’or et de l’argent diminuera, comparativement à celle du blé, du vin et de la viande. Mais, le taux des rentes, dividendes, tarifs, etc., ne changeant point, et se payant toujours en la même monnaie, le revenu du rentier, de l’actionnaire, aura diminué. Qui profitera de la différence ? l’État d’abord, le changeur ensuite, et finalement tous les genres de producteurs, à mesure qu’ils auront eu le soin de se mettre à la hausse. — Là donc encore, il y a sujet à réflexion pour le rentier comme pour l’actionnaire.

Une compagnie d’armateurs se forme au Havre, dans les conditions ordinaires de la navigation, pour le commerce de Amérique et de l’Inde. Survient tout à coup, avec un système de bâtiments d’une capacité dix fois plus forte et d’une économie de service quadruple, une compagnie rivale au capital de 60 ou 80 millions. L’ancien système est écrasé. Il importe donc à l’actionnaire d’échanger ses premières actions contre de nouvelles, ce qui équivaut à une fusion de la première compagnie dans la seconde.

Ces causes de hausse et de baisse varient à l’infini, souvent tombent à l’improviste, comme la foudre, sur le marché. Quand elles n’existent pas, la peur, la malveillance, l’intrigue, la mauvaise foi, les inventent, les grossissent, les dénaturent, et, à force d’agitation, finissent quelquefois par leur donner la réalité. C’est là le métier du joueur, de celui