Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/122

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Les disciples des deux prétendus réformateurs ne peuvent nier que telle ne soit leur pensée, car ils se mettraient par là en contradiction avec leurs interprétations officielles et briseraient l’unité de leurs systèmes. Au reste, une semblable dénégation de leur part n’est point à craindre : les deux sectes font gloire de poser en principe l’inégalité des conditions, d’après les analogies de la nature qui, disent-elles, a voulu elle-même l’inégalité des capacités ; elles ne se flattent que d’une chose, c’est de faire si bien, par leur organisation politique, que les inégalités sociales soient toujours d’accord avec les inégalités naturelles. Quant à la question de savoir si l’inégalité des conditions, je veux dire des appointements, est possible, elles ne s’en inquiètent non plus que de fixer la métrique des capacités[1].

À chacun selon sa capacité, à chaque capacité selon ses œuvres.
À chacun selon son capital, son travail et son talent.

Depuis que Saint-Simon est mort, et que Fourier se divise, personne, parmi leurs nombreux adeptes, n’a essayé de donner au public une démonstration scientifique de cette grande maxime ; et je gagerais cent contre un qu’aucun fouriériste ne se doute seulement que cet aphorisme biforme soit susceptible de deux interprétations différentes.

À chacun selon sa capacité, à chaque capacité selon ses œuvres.
À chacun selon son capital, son travail et son talent.

Cette proposition, prise, comme l’on dit, in sensu obvio, apparent et vulgaire, est fausse, absurde, injuste, contra-

  1. D’après Saint-Simon le prêtre saint-simonien devait déterminer la capacité de chacun en vertu de son infaillibilité pontificale ; imitation de l’Église romaine : d’après Fourier, les rangs et les mérites seraient désignés par le vote et l’élection ; imitation du régime constitutionnel. Évidemment le grand homme s’est moqué du lecteur ; il n’a pas voulu dire son secret.