Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/135

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ne peut être déterminée d’une manière absolue ; elle varie essentiellement.

« La valeur d’une chose, dit Say, est une quantité positive, mais elle ne l’est que pour un instant donné. Sa nature est d’être perpétuellement variable, de changer d’un lieu à l’autre. Rien ne peut la fixer invariablement, parce qu’elle est fondée sur des besoins et des moyens de production qui varient à chaque minute. Ces variabilités compliquent les phénomènes de l’économie politique, et les rend souvent fort difficiles à observer et à résoudre. Je ne saurais y porter remède ; il n’est pas en notre pouvoir de changer la nature des choses. »

Ailleurs, Say dit et répète que la valeur ayant pour base l’utilité, et l’utilité dépendant entièrement de nos besoins, de nos caprices, de la mode, etc., la valeur est aussi variable que l’opinion. Or, l’économie politique étant la science des valeurs, de leur production, distribution, échange et consommation, si la valeur échangeable ne peut être absolument déterminée, comment l’économie politique est-elle possible ? comment serait-elle une science ? comment deux économistes peuvent-ils se regarder sans rire ? de quel front osent-ils insulter aux métaphysiciens et aux psychologues ? Quoi ! ce fou de Descartes s’imaginait que la philosophie avait besoin d’une base inébranlable, d’un aliquid inconcussum sur lequel on pût asseoir l’édifice de la science, et il avait la bonhomie de le chercher ; et l’Hermès de l’économie, le trismégiste Say, consacrant un demi-volume à l’amplification de ce texte solennel, l’économie politique est une science, a le courage d’affirmer ensuite que cette science ne peut déterminer son objet, ce qui revient à dire qu’elle est sans principe et sans fondement ! Il ignorait donc, l’illustre Say, ce qu’est une science, ou plutôt il ne savait pas ce dont il se mêlait de parler.

L’exemple donné par Say a porté ses fruits : l’économie politique, au point où elle est parvenue, ressemble à l’ontologie ; discourant des effets et des causes, elle ne sait rien, n’explique rien, ne conclut rien. Ce que l’on a décoré du nom de lois économiques se réduit à quelques généralités