Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/198

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Malthus, qui a si savamment prouvé que la population croît dans une progression géométrique, tandis que la production n’augmente qu’en progression arithmétique, n’a pas remarqué cette puissance paupérifiante de la propriété. Sans cette omission, il eût compris qu’avant de chercher à réprimer notre fécondité, il faut commencer par abolir le droit d’aubaine, parce que là où ce droit est toléré, quelles que soient l’étendue et la richesse du sol, il y a toujours trop d’habitants.

On demandera peut-être quel moyen je proposerais pour maintenir l’équilibre de population ; car tôt ou tard ce problème devra être résolu. Ce moyen, le lecteur me permettra de ne pas le nommer ici. Car, selon moi, ce n’est rien dire si l’on ne prouve : or, pour exposer dans toute sa vérité le moyen dont je parle, il ne me faudrait pas moins qu’un traité dans les formes. C’est quelque chose de si simple et de si grand, de si commun et de si noble, de si vrai et de si méconnu, de si saint et de si profane, que le nommer, sans développement et sans preuves, ne servirait qu’à soulever le mépris et l’incrédulité. Qu’il nous suffise d’une chose : établissons l’égalité, et nous verrons paraître ce remède ; car les vérités se suivent, de même que les erreurs et les crimes.


Sixième proposition.


La propriété est impossible, parce qu’elle est mère de tyrannie.


Qu’est-ce que le gouvernement ? Le gouvernement est l’économie publique, l’administration suprême des travaux et des biens de toute la nation.

Or, la nation est comme une grande société dans laquelle tous les citoyens sont actionnaires : chacun a voix délibérative à l’assemblée, et, si les actions sont égales, dispose d’un suffrage. Mais, sous le régime de propriété, les mises des actionnaires sont entre elles d’une extrême inégalité ; donc tel peut avoir droit à plusieurs centaines de voix,