Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/236

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ral ; Carthage, ville de commerce et d’argent, sans cesse divisée par des concurrences intestines ; Tyr, Sidon, Jérusalem, Ninive, Babylone, ruinées tour à tour par des rivalités de commerce, et, comme nous dirions aujourd’hui, par le manque de débouchés : tant d’exemples fameux ne montrent-ils pas assez quel sort attend les nations modernes, si le peuple, si la France, faisant éclater sa voix puissante, ne proclame, avec des cris de réprobation, l’abolition du régime propriétaire ?

Ici devrait finir ma tâche. J’ai prouvé le droit du pauvre ; j’ai montré l’usurpation du riche ; je demande justice : l’exécution de l’arrêt ne me regarde pas. Si, pour prolonger de quelques années une jouissance illégitime, on alléguait qu’il ne suffit pas de démontrer l’égalité, qu’il faut encore l’organiser, qu’il faut surtout l’établir sans déchirements, je serais en droit de répondre : Le sein de l’opprimé passe avant les embarras des ministres ; l’égalité des conditions est une loi primordiale, de laquelle l’économie publique et la jurisprudence relèvent. Le droit au travail et à la participation égale des biens ne peut fléchir devant les anxiétés du pouvoir : ce n’est point au prolétaire à concilier les contradictions des codes, encore moins à pâtir des erreurs du gouvernement ; c’est à la puissance civile et administrative, au contraire, à se réformer sur le principe d’égalité politique et bonitaire. Le mal connu doit être condamné et détruit ; le législateur ne peut exciper de son ignorance de l’ordre à établir en faveur de l’iniquité patente. On ne temporise pas avec la restitution. Justice, justice ; reconnaissance du droit ; réhabilitation du prolétaire : après cela, juges et consuls, vous aviserez à la police, et vous pourvoirez au gouvernement de la République.

Au reste, je ne pense pas qu’un seul de mes lecteurs me reproche de savoir détruire, mais de ne savoir pas édifier. En démontrant le principe d’égalité, j’ai posé la première pierre de l’édifice social ; j’ai fait plus, j’ai donné l’exemple de la marche à suivre dans la solution des problèmes de politique et de législation. Quant à la science elle-même, je déclare que je n’en connais rien de plus que le prin-