Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/258

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jeunes est le principe de leur obéissance pour les anciens qui ont déjà la force ; et l’habitude, qui pour eux est une espèce particulière de conscience, est la raison pour laquelle le pouvoir reste au plus âgé, quoiqu’il devienne à son tour le plus faible. Toutes les fois que la société est sous la conduite d’un chef, ce chef est presque toujours en effet le plus âgé de la troupe. Je dis presque toujours, car l’ordre établi peut être troublé par des passions violentes. Alors l’autorité passe à un autre ; et après avoir de nouveau commencé par la force, elle se conserve ensuite de même par l’habitude. Les chevaux sauvages vont par troupes ; ils ont un chef qui marche à leur tête, qu’ils suivent avec confiance, qui leur donne le signal de la fuite et du combat.

« Le mouton que nous avons élevé nous suit, mais il suit également le troupeau au milieu duquel il est né. Il ne voit dans l’homme que le chef de sa troupe… L’homme n’est pour les animaux domestiques qu’un membre de leur société ; tout son art se réduit à se faire accepter par eux comme associé ; il devient bientôt leur chef, leur étant aussi supérieur qu’il l’est par l’intelligence. Il ne change donc pas l’état naturel de ces animaux, comme l’a dit Buffon ; il profite au contraire de cet état naturel. En d’autres termes, il avait trouvé les animaux sociables ; il les rend domestiques, en devenant leur associé, leur chef. La domesticité des animaux n’est ainsi qu’un cas particulier, qu’une simple modification, qu’une conséquence déterminée de la sociabilité. Tous les animaux domestiques sont de leur nature des animaux sociables… » (Flourens, Résumé des observations de F. Cuvier.)

Les animaux sociables suivent un chef d’instinct ; mais remarquons ce que F. Cuvier a omis de dire, que le rôle de ce chef est tout d’intelligence. Le chef n’apprend pas aux autres à s’associer, à se réunir sous sa conduite, à se reproduire, à fuir et à se défendre : sur chacun de ces points, il trouve ses subordonnés aussi savants que lui. Mais c’est le chef qui, par son expérience acquise, pourvoit à l’imprévu ; c’est lui dont l’intelligence privée supplée, dans les circonstances difficiles, à l’instinct général ; c’est lui qui délibère, qui