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CHAPITRE II.


De la propriété considérée comme droit naturel. — De l’occupation et de la loi civile, comme causes efficientes du domaine de propriété.


Définitions.


Le droit romain définit la propriété, jus utendi et abutendi re sua, quatenus juris ratio patitur, le droit d’user et d’abuser de la chose, autant que le comporte la raison du droit. On a essayé de justifier le mot abuser, en disant qu’il exprime, non l’abus insensé et immoral, mais seulement le domaine absolu. Distinction vaine, imaginée pour la sanctification de la propriété, et sans efficace contre les délires de la jouissance, qu’elle ne prévient ni ne réprime. Le propriétaire est maître de laisser pourrir ses fruits sur pied, de semer du sel dans son champ, de traire ses vaches sur le sable, de changer une vigne en désert, et de faire un parc d’un potager : tout cela est-il, oui ou non, de l’abus ? En matière de propriété, l’usage et l’abus nécessairement se confondent.

D’après la Déclaration des droits, publiée en tête de la constitution de 93, la propriété est « le droit de jouir et de disposer à son gré de ses biens, de ses revenus, du fruit de son travail et de son industrie. »

Code Napoléon art. 544 : « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois et les règlements. »

Ces deux définitions reviennent à celle du droit romain : toutes reconnaissent au propriétaire un droit absolu sur la chose ; et, quant à la restriction apportée par le Code, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois et les règlements, elle a pour objet, non de limiter la pro-