Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/185

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Mais réduction de main-d’œuvre est synonyme aussi de restriction du marché ; puisque si le producteur gagne moins, il achètera moins. Et c’est ainsi en effet que les choses se passent. La concentration des forces dans l’atelier, et l’intervention du capital dans la production, sous le nom de machines, engendrent tout à la fois la surproduction et le dénûment ; et tout le monde a vu ces deux fléaux, plus redoutables que l’incendie et la peste, se développer de nos jours sur la plus vaste échelle et avec une dévorante intensité. Cependant il est impossible que nous reculions : il faut produire, produire toujours, produire à bon marché ; sans cela l’existence de la société est compromise. Le travailleur, qui, pour échapper à l’abrutissement dont le menaçait le principe de division, avait créé tant de machines merveilleuses, se retrouve par ses propres œuvres ou frappé d’interdiction, ou subjugué. Contre cette alternative, quels moyens se proposent ?

M. de Sismondi, avec tous les hommes à idées patriarcales, voudrait que la division du travail, avec les machines et manufactures, fût abandonnée, et que chaque famille retournât au système d’indivision primitive, c’est-à-dire au chacun chez soi, chacun pour soi, dans l’acception la plus littérale du mot. — C’est rétrograder, c’est impossible.

M. Blanqui revient à la charge avec son projet de participation de l’ouvrier, et de mise en commandite, au profit du travailleur collectif, de toutes les industries. — J’ai fait voir que ce projet compromettait la fortune publique, sans améliorer d’une manière appréciable le sort des travailleurs ; et M. Blanqui lui-même paraît s’être rallié à ce sentiment. Comment concilier, en effet, cette participation de l’ouvrier dans les bénéfices avec les droits des inventeurs, des entrepreneurs et des capitalistes, dont les uns ont à se couvrir de fortes avances, ainsi que de leurs longs et patients efforts ; les autres exposent sans cesse leur fortune acquise, et courent seuls les chances d’entreprises souvent hasardées ; et les troisièmes ne pourraient supporter de réduction dans le taux de leurs intérêts, sans perdre en quelque façon leurs épargnes ? Comment accorder, en un mot, l’égalité qu’on voudrait établir entre les travailleurs et les maîtres, avec la prépondérance qu’on ne peut enlever aux chefs d’établissements,