Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/304

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produits et revenus, tombe devant le fisc, et que les mêmes impossibilités que nous avons signalées reparaissent ici avec leur caractère fatal ?

Un industriel découvre un procédé au moyen duquel, économisant 20 pour cent sur ses frais de production, il se fait 25,000 fr. de revenu. Le fisc lui en demande 15. L’entrepreneur est donc obligé de relever ses prix, puisque, par le fait de l’impôt, son procédé, au lieu d’économiser 20 pour cent, n’économise plus que 8. N’est-ce pas comme si le fisc empêchait le bon marché ? Ainsi, en croyant atteindre le riche, l’impôt progressif atteint toujours le consommateur ; et il lui est impossible de ne pas l’atteindre, à moins de supprimer tout à fait la production : quel mécompte !

C’est une loi d’économie sociale que tout capital engagé doit rentrer incessamment à l’entrepreneur sous forme d’intérêts. Avec l’impôt progressif, cette loi est radicalement violée, puisque, par l’effet de la progression, l’intérêt du capital s’atténue au point de constituer l’industrie en perte d’une partie ou même de la totalité dudit capital. Pour qu’il en fût autrement, il faudrait que l’intérêt des capitaux s’accrût progressivement comme l’impôt lui-même, ce qui est absurde. Donc, l’impôt progressif arrête la formation des capitaux ; de plus, il s’oppose à leur circulation. Quiconque, en effet, voudra acquérir un matériel d’exploitation ou un fonds de terre, devra, sous le régime de la progression contributive, considérer non plus la valeur réelle de ce matériel ou de ce fonds, mais bien l’impôt qu’il lui occasionnera ; de manière que si le revenu réel est de 4 pour cent, et que, par l’effet de l’impôt ou la condition de l’acquéreur, ce revenu doive se réduire à 3, l’acquisition ne pourra avoir lieu. Après avoir froissé tous les intérêts et jeté la perturbation sur le marché par ses catégories, l’impôt progressif arrête le développement de la richesse, et réduit la valeur vénale au-dessous de la valeur réelle ; il rapetisse, il pétrifie la société. Quelle tyrannie ! quelle dérision !

L’impôt progressif se résout donc, quoi qu’on fasse, en un déni de justice, une défense de produire, une confiscation. C’est l’arbitraire sans limite et sans frein, donné au pouvoir sur tout ce qui, par le travail, par l’épargne, par le perfec-