Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/102

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compte, pas plus que pour le compte du public, se substituer aux banquiers et accaparer leur industrie.

L’idée de rendre l’état véritablement prince et dispensateur du crédit étant impraticable, et que de considérations je passe sous silence qui en démontreraient toute l’absurdité ! force est donc de s’arrêter à la seconde hypothèse, celle d’une concurrence, on mieux d’une coopération de l’état, notamment à l’égard de certaines parties encore obscures du crédit qui réclament son initiative, et que les capitaux privés n’ont encore pu féconder, ni même atteindre.

Nous voilà loin, il faut en convenir, de cette organisation si bruyamment annoncée du crédit par l’état, et qui par la force des choses se réduit, comme tout ce qui vient de l’état, à quelques manipulations législatives, ainsi qu’à un ministère de police. Car alors même que la banque centrale serait entrée dans le cercle administratif, comme elle devrait conserver toute l’indépendance de ses opérations, l’entière séparation de ses intérêts d’avec ceux de l’état, sous peine de se compromettre et de partager le discrédit inhérent à l’état, une pareille banque ne serait toujours que la première maison financière du royaume ; ce ne serait point une organisation du crédit par l’état, à qui, je le répète, il est impossible d’organiser rien, pas plus le travail que le crédit.

L’état reste donc et doit rester éternellement avec son indigence native, avec l’improductivité qui est son essence, avec ses habitudes emprunteuses, c’est-à-dire avec toutes les qualités les plus opposées à la puissance créatrice, et qui font de lui, non le prince du crédit, mais le type du discrédit. À toutes les époques, et chez tous les peuples, on voit l’état sans cesse occupé, non pas à faire jaillir de son sein le crédit, mais à organiser ses emprunts. Sparte, n’ayant pas de trésor, s’imposait un jeûne, pour faire les fonds d’un emprunt ; Athènes empruntait à Minerve son manteau d’or et ses bijoux ; la confiscation, les exactions, la fausse monnaie étaient la ressource ordinaire des tyrans. Les villes d’Asie, familiarisées avec tous les secrets de la finance, procédaient d’une façon moins barbare ; elles empruntaient comme nous faisons, et s’acquittaient par l’impôt[1]. À mesure qu’on avance dans l’histoire, on voit se perfectionner dans l’état l’art des emprunts ; celui de donner crédit est encore à poindre. Souvent, pour se libérer, l’état s’est vu dans la né-

  1. Du Crédit public, par M. Augier.