Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/121

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Et lorsqu’on réfléchit à la multitude des moyens de production, d’échange, de répartition, de solidarité effective que le génie de l’humanité a créés, on est moins surpris de l’optimisme de ceux qui trouvent que tout va bien, que la société a fait assez pour le prolétaire, que s’il existe des pauvres la faute n’en doit être imputée qu’à eux ; et l’on se prend à douter soi-même que la plainte du socialisme ait le moindre fondement.

Que le lecteur daigne me suivre un instant dans cette récapitulation.

La liberté individuelle est garantie. Le travailleur ne craint plus qu’un maître lui dispute son pécule ; chacun dispose librement des produits de son travail et de son industrie. La justice est la même pour tous. Si la constitution, par un motif de conservation et d’ordre incontestable en régime propriétaire, a fait du cens la condition du droit électoral, cette condition étant placée dans les choses, et non dans la distinction des personnes, tout le monde d’ailleurs étant appelé à la fortune, on peut dire encore, à ce point de vue, que la loi électorale est, aussi bien que l’impôt, une loi d’égalité, par conséquent une institution irréprochable et encore au-dessus du peuple pour qui elle est faite. Du reste, l’état lui-même invite, provoque le simple ouvrier, le prolétaire, à suivre l’exemple du bourgeois, jadis prolétaire comme lui et simple travailleur, maintenant parvenu à l’aisance et à la dignité ; l’état offre au travailleur la caisse d’épargnes, puis celle de retraite, plus tard la commandite, l’association, etc. Le prolétaire, s’il sait faire usage des moyens mis à sa disposition, peut légitimement espérer de balancer un jour par ses capitaux la puissance du capitaliste qu’il accuse, de rivaliser par son travail avec les plus vastes industries, et de participer enfin à cette souveraineté de la richesse qui, depuis plusieurs siècles, a commencé d’une manière si sûre l’abaissement du pouvoir. Ne serait-ce donc point à des goûts dépravés, à des habitudes de désordre et d’indiscipline, à l’égoïsme dont elle est infectée, et qui lui fait repousser toute idée d’association et de concert, aux absurdes doctrines dont on la bourre bien plus qu’à un manque réel de moyens, qu’il faut attribuer le malaise et le mécontentement des classes ouvrières ?

Je saisis le prolétaire à sa naissance ; car c’est dès ce moment, c’est dès le berceau que la société s’occupe de lui.

Pour lui assurer le soin que réclame le premier âge, la