Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/140

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sont pour ainsi dire que les battements. Dans l’hypothèse du crédit, l’homme fait venir du privilège, rien que du privilège, et toujours du privilège, c’est-à-dire d’une aliénation, la force productive, cette force qui doit être intime au travail, et qui par conséquent réside dans les entrailles de la société. Est-il étonnant que le crédit, avec toutes ses combinaisons, arrive fatalement à l’immobilité et à la mort ? Le privilège, qui est censé donner, par le crédit, l’impulsion au travail ; le privilège ne dure qu’autant de temps que le travailleur peut, en se produisant, se dépouiller à son profit sans périr. Et comme il est démontré par la théorie de l’intérêt redoublé, que le capital prêté au travail est dû deux fois chaque quatorzième année, il s’ensuit que, dans une organisation parfaite du crédit, le travail perd tous les quatorze ans les capitaux qu’il met en mouvement. La conséquence est que l’équilibre ne s’établit pour les capitaux que par la banqueroute, ce qui veut dire que la loi du développement social n’est point du tout la même que la loi du crédit ; et que pour nous mettre d’accord avec le principe qui fait aller le monde, nous devrions commencer par déposséder ceux qui possèdent : ce qui est impossible, tant que nos contradictions antérieures ne sont pas résolues.

Qu’on dise donc, maintenant, et qu’on répète, sous toutes les formules imaginables, que le crédit doit être adossé à des réalités, et non à des expectatives ; qu’il demande des hypothèques, non des hypothèses : toute cette théorie, inattaquable pour quiconque se place dans la routine du privilège, se trouve radicalement impuissante et convaincue de faux, puisqu’en définitive les capitaux, considérés d’ensemble dans la société, n’ont d’autre hypothèque qu’eux-mêmes, et qu’en se créditant, ils ne peuvent s’adosser à d’autre réalité que la leur. Law, franchissant d’un bond toute cette fantasmagorie du crédit, montra plus de franchise que les théoriciens de notre siècle, lorsqu’il essaya de fonder le crédit sur un mythe (il fallait bien saisir les imaginations par quelque chose), et qu’il se dit : La théorie indique, il est vrai, que le crédit doit être réel. Mais, dans la société, la progression de l’intérêt amenant fatalement l’insolvabilité de l’emprunteur, il est inévitable que le crédit, qui commence par être réel, devienne à la fin tout personnel, c’est-à-dire adossé à des châteaux en Espagne. Dès lors, il vaut encore mieux que le débiteur soit la personne de l’état, que toute autre personne ; en fait d’hypothèque morale, celle-là est la