Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/147

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que sous vos airs humbles vous cachez un intraitable orgueil, parce que vous êtes propriétaire ? Eh bien ! tâchez de la justifier maintenant, votre charité : défendez-la.

Ce n’est point assez pour la crèche d’exiger déjà comme sûreté la bonne conduite de la mère : il faut qu’elle impose à cette mère pauvre et chargée d’enfants une contribution.

— « La mère donne aux berceuses 20 centimes pour chaque jour de présence de l’enfant ; et si elle a deux enfants, 30 centimes. » Comptons maintenant : 30 centimes de présence ; 10 centimes pour le linge et le blanchissage ; 10 centimes de chaussure, pour tous les voyages que la mère devra faire à la crèche ; total 50 centimes à prélever par elle sur une journée de 90 centimes ou de 1 fr. Joignez à cela que cette mère néglige son ménage, qu’elle ne fait plus rien pour son mari ni pour elle-même, et vous trouverez que l’avantage des crèches pour les femmes pauvre est zéro.

Se peut-il qu’il en soit autrement ? non, puisque si le berçage, le blanchissage et les autres soins donnés à l’enfant étaient gratuits, si les mères n’avaient qu’à fournir leur lait, la crèche deviendrait bientôt le prétexte et l’objet d’un impôt considérable, une véritable taxe des pauvres, qu’un encouragement serait ainsi donné à la maternité légitime illégitime, à l’accroissement de la population, ce sphinx des sociétés modernes. La charité a donc à faire ici deux choses, et deux choses incompatibles : soigner les enfants des pauvres, et ne pas encourager les pauvres à faire des enfants. C’est précisément le problème de Malthus : augmenter sans cesse les subsistances, sans que les subsistances augmentent la population. Apôtres de la charité ! vous êtes absurdes comme des économistes.

Et remarquez ce contraste. La mère, dont l’enfant est admis à la crèche parce qu’elle se conduit bien et qu’elle travaille, cette mère à qui l’on a l’air de faire une aumône, en fait elle-même une bien plus grande à ses protectrices, quand elle leur donne sa journée pour vingt sous. Je lis de temps en temps dans les journaux les comptes-rendus des loteries tirées pour les pauvres, loteries dont les billets se composent généralement de jolis ouvrages sortis des mains des dames de charité. Cela veut dire qu’une dame du grand monde, chrétienne et charitable, qui a compris que la mission du riche était de réparer envers le pauvre les outrages de la fortune, et qui jouit de dix mille livres de rentes, fruit du labeur et de la spoliation des pauvres, leur rend environ