Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/153

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pargne n’existerait pas. Et puis on vient dire aux spoliés : Mettez à la caisse d’épargne ! Pourquoi ne mettez-vous pas à la caisse d’épargne ?…

Supposons que l’état, fidèle aux traditions de la banque de dépôt, conserve, sans y toucher, les fonds confiés à sa garde. Au bout de vingt ans il devra, par l’intérêt composé, deux milliards au lieu d’un qu’il aura reçu. Il y aura donc à la fin banqueroute, banqueroute inévitable de la moitié des sommes dues, sans aucun avantage pour l’état. Dans cette hypothèse, la sécurité étant détruite, l’institution est impossible.

Mais il est évident que l’état ne saurait se placer dans des conditions si défavorables. Il devra donc, pour ne se point charger, appliquer aux services publics les économies du peuple : ce qui revient à changer la caisse d’épargne en un emprunt toujours ouvert, ayant un mouvement continuel d’entrées et de sorties, mais intégralement irremboursable. Depuis l’institution des caisses d’épargne, les bonnes gens ont témoigné à plusieurs reprises la crainte que le gouvernement, un jour de panique, ne se trouvât dans l’impossibilité de répondre à l’affluence des déposants qui viendraient redemander leurs fonds. Un pamphlétaire célèbre en a même fait un texte de reproche contre le gouvernement. Comme si le but du gouvernement ne devait pas être précisément de se mettre hors d’état de rembourser ! comme si le non remboursement n’était pas tout à la fois une nécessité de l’institution, et l’une des plus précieuses garanties de l’ordre de choses ! C’est ce que le Journal des Débats (30 décembre 1845), dans un article dû, je crois, à M. Chevalier, a très-bien compris et formellement reconnu. Le montant des dépôts ayant une fois atteint son chiffre maximum, que j’ai supposé devoir être d’un milliard, le gouvernement aura par le fait, et sans le concours des chambres, emprunté et dépensé un milliard, dont il est sûr que les représentants de la nation ne refuseront jamais de voter l’intérêt. N’est-ce pas une chose pitoyable, de voir la presse jeter les hauts cris pour une conversion de rentes qu’on lui refuse et qui ne donnerait pas quatre millions d’économie, tandis qu’elle n’aperçoit pas ce milliard, qui, sans vote, sans contrôle, court se vaporiser dans l’officine du pouvoir, sauf l’intérêt de soixante ou soixante-dix millions qui seul restera ?

Du côté des déposants, la caisse d’épargne est un agent de misère non moins énergique, non moins sûr. Car, bien loin