Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/158

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cause d’utilité publique se sont accrues dans des proportions si vastes, on a trouvé plus commode et moins onéreux de les demander à l’emprunt. Avec l’emprunt, les contribuables, au lieu de fournir 30 millions, n’en payeront que l’intérêt, qui, par sa petitesse, semblera disparaître dans le budget. Mais comme l’emprunt aura été formé aux termes de la loi du monopole et selon la jurisprudence de l’usure ; comme en un mot le capital devra rentrer avec bénéfice aux prêteurs, il arrivera ou que l’emprunt sera converti en rente perpétuelle, ce qui veut dire que le canal, toujours payé, sera toujours dû ; ou bien que l’intérêt sera servi seulement pendant 40, 50 ou 99 ans, avec prime sur l’exploitation, ce qui veut dire qu’en un temps déterminé le prix du canal aura été acquitté deux, trois ou quatre fois. D’ordinaire les prêteurs se retiennent d’avance la prime, se faisant souscrire par l’état une obligation de 100 lorsqu’ils ne donnent que 80, 70 ou 60, comme les usuriers qui prêtent, intérêt en dedans, à cause du procureur du roi.

Il suit de là qu’un état qui emprunte ne peut plus s’acquitter, puisque pour rembourser sa dette il serait obligé, ou de frapper une contribution, ce qui est impraticable, ou de former un nouvel emprunt, qui, étant rempli de la même manière que le précédent et devant rendre en totalité ce qui n’a été reçu qu’en partie, ne ferait qu’augmenter la dette. Tout le monde aujourd’hui sait cela, les prêteurs surtout. D’où vient donc que l’état, qui s’endette sans cesse, trouve cependant toujours à emprunter ? Cela vient précisément de ce qu’à mesure qu’il se grève il est obligé d’offrir des conditions meilleures ; en sorte que relativement à l’état il est vrai, en un sens, que le crédit augmente à mesure que la solvabilité diminue. Voici l’explication de ce phénomène.

Je suppose qu’en 1815, la dette de la France étant d’un milliard, l’état remplisse ses emprunts à 90 p. 0/0 ; en 1830, la dette s’étant élevée à deux milliards, l’état pouvait encore trouver des prêteurs, mais seulement à 80. Dans ce système, il n’y a de terme au crédit de l’état que lorsque la rente absorbe la totalité du produit national : mais alors l’état se libérant, par la banqueroute, d’un emprunt devenu fictif, tout le monde se trouve payé, et le crédit de l’état est plus florissant qu’auparavant. En Angleterre, l’intérêt de la dette publique dépasse 700 millions, environ le sixième du revenu. Qu’une série d’événements comme celle de 1789 à 1815 vienne doubler la dette de l’Angleterre, et chaque famille