Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/166

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cice de ses facultés il est sujet à des perturbations ; quelles sont les causes de ces perturbations ; quelle est la mesure commune de nos idées ; et tout d’abord, quelle est la valeur de ce concept de non-moi, qui saisit le moi aussitôt que celui-ci entre en action, et dont il est impossible au moi de se séparer.

Ainsi, au jugement du sens commun, la théorie métaphysique de la certitude est analogue à la théorie économique de la valeur, ou pour mieux dire ces deux théories n’en font qu’une ; et les sceptiques qui, tout en admettant la réalité du doute, nient cependant la réalité du contenu du doute, et partant la possibilité de déterminer ce contenu, ressemblent aux économistes qui, affirmant les oscillations de la valeur, rejettent la possibilité de déterminer ces oscillations, et conséquemment la réalité même de la valeur. Nous avons fait justice de cette contradiction des économistes, et nous verrons bientôt que comme la valeur se détermine dans la société par une série d’oscillations entre l’offre et la demande, tout de même la vérité se constitue en nous par une série de fluctuations entre la raison qui affirme et l’expérience qui confirme, et que du doute même se forme peu à peu la certitude.

La certitude du sujet ainsi obtenue et déterminée, restait donc, avant de passer à l’investigation des lois de la connaissance, à déterminer la certitude de l’objet, base de tous nos rapports avec l’univers. Ce fut la deuxième conquête du sens commun, le second moment du travail philosophique.

Nous ne pouvons sentir, aimer, raisonner, agir, exister enfin, tant que nous demeurons enfermés en nous-mêmes : il faut que le moi donne l’essor à ses facultés, qu’il déploie son être, qu’il sorte en quelque façon de sa nullité ; qu’après s’être posé, il s’oppose, c’est-à-dire qu’il se mette en rapport avec un je ne sais quoi, qui est ou qui lui semble être autre que lui, en un mot avec un non-moi.

Dieu, l’être infini, qu’un peu plus tard notre raison, affermie sur sa double base, supposera invinciblement, Dieu, dis-je, parce que son essence embrasse tout, n’a pas besoin de sortir de lui-même pour vivre et se connaître. Son être se déploie tout entier en soi ; sa pensée est introspective : en lui le moi ne saisit le non-moi que comme moi, parce que tous deux sont infinis, que l’infini est nécessairement unique, et qu’en Dieu, par conséquent, le temps est identique à l’éternité, le mouvement identique au repos, l’agir syno-