Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/178

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me faut encore admettre comme plausible l’hypothèse d’un être infini, mais non absolu, en qui la liberté et l’intelligence, le moi et le non-moi existent sous une forme spéciale, inconcevable mais nécessaire, et contre lequel ma destinée est de lutter, comme Israël contre Jéhovah, jusqu’à la mort.


II.


Le sujet et l’objet de la science sont trouvés ; la vérité de la pensée et de l’être est constatée authentiquement : reste à découvrir la méthode.

La philosophie, dans ses recherches plus ou moins accusées sur l’objet et la légitimité de la connaissance, n’avait pas tardé à s’apercevoir qu’elle suivait, sans le savoir, certaines formes de dialectique qui revenaient sans cesse, et qui, étudiées de plus près, furent bientôt reconnues pour être les moyens naturels d’investigation du sens commun. L’histoire des sciences et des arts n’offre rien de plus intéressant que l’invention de ces machines à penser, véritables instruments de toutes nos connaissances, scientiarum organa, dont nous nous bornerons à faire connaître ici les principaux.

Le premier de tous est le syllogisme.

Le syllogisme est de sa nature et par tempérament spiritualiste. Il appartient à ce moment de l’investigation philosophique où l’affirmation de l’esprit domine l’affirmation de la matière, où l’enivrement du moi fait négliger le non-moi, et refuse, pour ainsi dire, tout accès à l’expérience. C’est l’argument favori de la théologie, l’organe de l’à priori, la formule de l’autorité.

Le syllogisme est essentiellement hypothétique. Une proposition générale et une proposition subsidiaire ou un cas particulier étant donnés, le syllogisme apprend à déduire d’une manière rigoureuse la conséquence, mais sans garantir la vérité extrinsèque de cette conséquence, puisque, par lui-même, il ne garantit pas la vérité des prémisses. Le syllogisme n’offre donc d’utilité que comme moyen d’enchaîner une proposition à une autre proposition, mais sans pouvoir en démontrer la vérité : comme le calcul, il répond avec justesse et précision à ce qu’on lui demande ; il n’apprend point à poser la question. Aristote, qui traça les règles du syllogisme, ne fut pas dupe de cet instrument, dont il signala les défauts, comme il en avait analysé le mécanisme.