Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/21

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radoxe ; et ce préjugé suffirait pour ôter tout crédit à mes paroles.

Mais je viens défendre la tradition universelle, la croyance la plus constante et la plus authentique ; j’ai pour moi le doute des économistes eux-mêmes, et l’antagonisme des faits qu’ils rapportent ; et c’est cet antagonisme, ce doute, cette tradition que j’explique, et qui me justifient.

M. Fix, que j’ai cité tout à l’heure pour la liberté, écrivain plein de réserve, de circonspection et de mesure, et l’un des économistes les plus éclairés de l’école de Say, a donné lui-même, dans les termes suivants, la contrepartie de sa première proposition :

« Les économistes avancés, qui n’admettent aucune acception, veulent procéder avec toute l’énergie et la rapidité qu’inspirent de profondes convictions : ils veulent abattre d’un seul coup les douanes, les monopoles et le personnel qui les soutient. Quelles seraient les conséquences d’une pareille réforme ?

» Si on laissait entrer en franchise les tissus étrangers, les fers et les métaux ouvrés, les consommateurs s’en trouveraient bien, au moins pendant un certain temps, et quelques industries y trouveraient un grand profit. Mais il est certain que ce changement instantané et inattendu causerait d’immenses désastres dans l’industrie ; d’énormes capitaux deviendraient improductifs ; des centaines de mille ouvriers se trouveraient tout à coup sans travail et sans pain. L’Angleterre et la Belgique pourraient, par exemple, approvisionner sans peine la France pour la moitié de sa consommation, ce qui réduirait d’autant la fabrication intérieure, mais ce qui occasionnerait encore des pertes considérables aux maîtres de forges en état de continuer leur production. On verrait le même résultat pour l’industrie des tissus ; l’Angleterre, la Belgique, l’Allemagne, inonderaient la France de leurs produits ; et en présence de ces importations inaccoutumées, la plupart de nos fabriques ne tarderaient pas à succomber. Aucun pays n’a jamais osé faire une pareille expérience, pas même pour une seule branche industrielle. Les hommes d’état qui étaient et qui sont encore le plus vivement attachés aux théories d’Adam Smith, ont reculé devant une entreprise de cette nature ; et pour mon compte, j’avoue que je la trouve pleine de périls et de menaces. »

Ces paroles sont-elles assez énergiques et assez claires ? Il est regrettable que l’auteur, au lieu de s’arrêter devant le