Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/211

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C’est là, c’est dans cette opposition logique, ainsi que nous le démontrerons plus tard, qu’est le véritable abus, la contradiction inhérente à la propriété. Mais, comme nous l’avons appris, cette contradiction est l’annonce d’une conciliation prochaine ; et c’est ce que nous allons prouver en anticipant d’une période ou deux sur l’histoire, et faisant immédiatement connaître la destination ultérieure de la rente.

Puisque, dans l’adjudication faite au propriétaire par la société d’un revenu perpétuel, l’intérêt du maître est en sens inverse de celui du fermier, de même que la valeur en échange est en sens inverse de la valeur utile, il s’ensuit que la rente à payer au propriétaire s’étabit par une série d’oscillations, qui toutes doivent se résoudre en une formule d’équilibre. Qu’est-ce donc, au point de vue supérieur de l’institution, que le fermier doit au propriétaire ? quelle doit être la quotité de la rente ? Car il appert déjà que le problème de la rente n’est toujours, sous une forme nouvelle, que le problème de la valeur.

La théorie de Ricardo répond à cette question.

Au début de la société, lorsque l’homme, nouveau sur la terre, n’avait devant lui que l’immensité des forêts, que la terre était vaste, et que l’industrie commençait à naître, la rente dut être nulle. La terre, non encore façonnée par le travail, était objet d’utilité ; ce n’était pas une valeur d’échange. Elle était commune, non sociale. Peu à peu la multiplication des familles et le progrès de l’agriculture firent sentir le prix de la terre. Le travail vint donner au sol sa valeur : de là naquit la rente. Plus, avec la même quantité de services, un champ put rendre de fruits, plus il fut estimé : aussi la tendance des propriétaires fut-elle toujours de s’attribuer la totalité des produits du sol, moins le salaire du fermier, c’est-à-dire, moins les frais de production.

Ainsi la propriété vient à la suite du travail pour lui enlever tout ce qui, dans le produit, dépasse les frais réels. Le propriétaire remplissant un devoir mystique et représentant vis-à-vis du colon la communauté, le fermier n’est plus, dans les prévisions de la Providence, qu’un travailleur respon<able, qui doit rendre compte à la société de tout ce qu’il recueille en sus de son salaire légitime ; et les systèmes de fermage et métayage, baux à cheptel, baux emphytéotiques, etc., sont les formes oscillatoires du contrat qui se passe alors, au nom de la société, entre le propriétaire et le