Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/224

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mourir d’une diatribe, pas plus que la presse ne peut crever de son propre venin. D’ailleurs, la magistrature n’est-elle pas solidaire de la corporation des avocats ? n’est-elle pas, comme celle-ci, instituée par et pour la propriété ? Que deviendrait Perrin-Dandin, s’il lui était interdit de juger ? et sur quoi plaiderait-on, sans la propriété ? L’ordre des avocats s’est donc soulevé ; le journalisme, l’avocasserie de plume, est venu au secours de l’avocasserie de paroles ; l’émeute est allée grondant et grossissant jusqu’à ce que l’imprudent magistrat, organe involontaire de la conscience publique, eût fait amende honorable au sophisme, et rétracté a vérité qui par lui s’était fait jour spontanément.

Un jour, un ministre annonce qu’il va réformer le notariat. — Nous ne voulons pas qu’on nous réforme, s’écrient les tabellions. Nous ne sommes pas les hommes de la chicane ; parlez aux avocats. Le notaire est, par excellence, l’homme probe et sans reproche. Étranger à l’usure, gardien des dépôts, interprète fidèle de la volonté des mourants, arbitre impartial dans tous les contrats, son étude est le sanctuaire de la propriété. Et c’est en lui que la propriété serait violée ! Non, non… — Et le gouvernement, dans la personne de son ministre, en eut le démenti.

Je voudrais, dit timidement un autre, rembourser les créanciers auxquels je paye 5 p. 100 d’intérêts, et les remplacer par d’autres à qui je ne payerais que 4. — Y pensez-vous, hurlent avec effroi les rentiers ? Les intérêts dont vous parlez sont des rentes ; ils ont été constitués comme rentes ; et quand vous proposez de les réduire, c’est comme si vous proposiez une expropriation sans indemnité. Expropriez, si cela vous plaît ; mais il faut une loi, plus l’indemnité préalable. Quoi donc ! quand il est notoire que l’argent perd continuellement de sa valeur ; quand 10,000 francs de rente aujourd’hui ne valent pas plus que 8,000 au temps de l’inscription ; quand, par une conséquence irréfutable, ce serait au rentier, dont la propriété diminue tous les jours, à demander une augmentation de revenu, afin de conserver sa rente, puisque cette rente ne représente pas un capital métallique, mais un immeuble, c’est alors qu’on parle de conversion ! La conversion, c’est la banqueroute ! Et le gouvernement, convaincu, d’une part, qu’il avait le droit, ainsi que tout débiteur, de se libérer par le remboursement, mais incertain, d’un autre côté, sur la nature de sa dette et intimidé par la clameur propriétaire, ne sut que résoudre.