Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/250

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se déroule sur une substance dualiste, et dont la raison et le dernier terme nous sont déjà donnés, impliquait à son origine un autre fait, celui d’une essence infinie en spontanéité, efficacité et certitude, dont les attributs, par conséquent, seraient inverses de ceux de l’homme.

Reste donc à mettre au jour ce fait probable, cette existence sine quâ non que la raison exige, que l’observation suggère, mais que rien encore ne démontre, et que, dans tous les cas, son infinité et sa solitude nous ôtent l’espoir de comprendre. Reste à démontrer l’indémontrable, à pénétrer l’inaccessible, à mettre, eh un mot, sous le regard de l’homme mortel, l’infini.

Ce problème, insoluble au premier coup d’œil, contradictoire dans les termes, se réduit, si l’on prend la peine d’y réfléchir, au théorème suivant, dans lequel toute contradiction disparaît : Faire équation entre la fatalité et le progrès, de telle manière que l’existence infinie et l’existence progressive, adéquates l’une à l’autre, mais non pas identiques, et tout au contraire inverses, se pénétrant mais ne se confondant pas, se servant mutuellement d’expression et de loi, nous apparaissent à leur tour, ainsi que l’esprit et la matière qui les constituent, mais sur une autre dimension, comme les deux faces inséparables et irréductibles de l’être.

On a vu, et nous avons eu soin d’en faire plus d’une fois la remarque, que dans la science sociale les idées sont toutes également éternelles et évolutives, simples et complexes, aphoristiques et subordonnées. Pour une intelligence transcendante, il n’y a dans le système économique ni principe, ni conséquence, ni démonstration, ni déduction : la vérité est une et identique, sans condition d’enchaînement, parce qu’elle est vérité partout, sous une infinité d’aspects, et dans une infinité de théories et de systèmes. C’est seulement par l’exposition didactique que la série des propositions se manifeste. La société est comme un savant qui, ayant la science logée dans son cerveau, l’embrasse dans son ensemble, la conçoit sans commencement ni fin, la saisit simultanément et distinctement dans toutes ses parties, et leur trouve à chacune évidence et priorité égales. Mais ce même homme veut-il produire la science ? il est forcé de la dérouler en paroles, propositions et discours successifs, c’est-à-dire de présenter comme une progression ce qui lui apparaît comme un tout indivisible.

Ainsi, les idées de liberté, d’égalité, de tien et de mien,