Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/28

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du Cobden des Pyrénées ; et qu’au lieu de chercher à entraîner la France industrielle à la suite de l’Angleterre par une abolition totale des barrières, ils se fussent écriés : Garde à nous !

Les produits s’achètent avec des produits ! Voilà sans doute un magnifique, un incontestable principe, pour lequel je voudrais qu’une statue fût érigée à J. B. Say. En ce qui me regarde, j’ai démontré la vérité de ce principe en donnant la théorie de la valeur ; j’ai prouvé de plus que ce principe était le fondement de l’égalité des fortunes, ainsi que de l’équilibre dans la production et dans l’échange.

Mais quand on ajoute, comme second terme du syllogisme, que l’or et l’argent monnayés sont une marchandise comme une autre, on affirme un fait qui n’est vrai qu’en puissance ; on fait par conséquent une généralisation inexacte, démentie par les notions élémentaires que fournit l’économie politique elle-même sur la monnaie.

L’argent est la marchandise qui sert d’instrument aux échanges, c’est-à-dire, comme nous l’avons fait voir, la marchandise-princesse, la marchandise par excellence, celle qui est toujours plus demandée qu’offerte, qui prime toutes les autres, acceptable en tout payement, et, par suite, devenue représentative de toutes les valeurs, de tous les produits, de tous les capitaux possibles. En effet, qui a marchandise, n’a pas encore pour cela richesse ; il reste à remplir la condition d’échange, condition périlleuse, comme l’on sait, sujette à mille oscillations et à mille accidents. Mais qui a monnaie a richesse : car il possède la valeur à la fois la plus idéalisée et la plus réelle ; il a ce que tout le monde veut avoir ; il peut, au moyen de cette marchandise unique, acquérir, quand il voudra, aux conditions les plus avantageuses, et dans l’occasion la plus favorable, toutes les autres ; en un mot il est, par l’argent, maître du marché. Le détenteur de l’argent est dans le commerce comme celui qui, au jeu d’hombre, tient les atouts. On peut bien soutenir que toutes les cartes ont entre elles une valeur de position et une valeur relative ; on peut même ajouter que le jeu ne peut s’effectuer que par l’échange de toutes les cartes les unes contre les autres ; cela n’empêche pas que l’atout ne prenne les autres couleurs, et, parmi les atouts, que les premiers n’enlèvent pas les autres.

Si toutes les valeurs étaient déterminées et constituées comme l’argent, si chaque marchandise pouvait être, immé-