Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/305

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utilité relative, l’omnibus, substitué à la voiture particulière, loin d’être un progrès de la richesse, signalerait, au contraire, une diminution de la richesse ? Or, voilà justement ce que fait le communisme. Prenant à la propriété ses sophismes, il vous dit : A quoi bon ces millions de ménages, ayant chacun pendule, montres en or, armoires, chaises, tables, tableaux, gravures, bibliothèque, poêles, lampes et flambeaux, vaisselle et batterie de cuisine, provision de linge pour six mois, habits et manteaux de rechange, des bijoux et des ustensiles de toute espèce ? A quoi bon cette profusion, cette débauche ? Tandis que, si nous vivions en communauté, nous aurions une horloge superbe, sonnant majestueusement dans le cénacle les heures en faux-bourdon, des lustres éblouissants comme à l’Opéra, une table de cinq cents couverts, un pot au feu de trente hectolitres, et les séances de la Convention, avec les victoires de la République, peintes à l’huile sur les murailles !…

Eh ! bonnes gens dont on se moque sous couleur de vous émanciper, à quoi bon des bijoutiers, des horlogers, des fondeurs, des graveurs, des ébénistes, des lampistes, des poêliers, des verriers, des imprimeurs, des modistes ; … à quoi bon le travail, si vous proscrivez la richesse ? à quoi bon le genre humain ? Ou plutôt, à quoi bon la communauté ? n’êtes-vous pas, sans elle, assez dépourvus, assez misérables !…

Je suis loin d’avoir épuisé mes griefs contre le communisme. Je n’ai rien dit du secours inattendu qu’il prête en ce moment à la conspiration anglo-économiste contre la liberté industrielle des peuples : d’un côté la Démocratie pacifique, ne voyant dans l’abolition des barrières qu’un acheminement au phalanstère ; de l’autre le Populaire racontant à ses ouailles l’invention faite à Cobden par Louis-Philippe, et tirant de ce fait, menaçant pour l’indépendance de notre patrie, la conclusion que le jour approche où les puissants et les riches feront quelque chose pour la classe ouvrière

Mais je ne pourrais tout rapporter : d’ailleurs ce que j’ai dit suffira pour la théorie. Quant aux faits et gestes du socialisme, tant dans notre siècle que dans les siècles précédents, je renonce à vous en entretenir, mon cher Villegardelle. La tâche serait au-dessus de ma patience, et ce serait à dévoiler trop de misères, trop de turpitudes. Comme critique, ayant dû procéder à la recherche des lois sociales par la négation de la propriété, j’appartiens à la protestation socialiste : sous