Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/31

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À cela que réplique-t-on ?

On réplique par le fait même que tout le monde redoute, et qui est la condamnation du libre commerce. On dit que l’argent se faisant rare d’un côté, abondant de l’autre, il y aura reflux des capitaux métalliques des nations qui vendent à la nation qui achète ; que celle-ci pourra profiter du bas prix de l’argent, et que cette alternative de hausse et de baisse ramènera l’équilibre.

Mais cette explication est dérisoire : l’argent se donnera-t-il pour rien, au nom de Dieu ? Toute la question est là. Si faible, si variable que soit l’intérêt des sommes empruntées, pourvu que cet intérêt soit quelque chose, il marquera la décadence lente ou rapide, continue ou intermittente, du peuple qui, achetant toujours et ne vendant jamais, s’aviserait d’emprunter sans cesse à ses propres marchands.

Tout à l’heure nous verrons ce que devient un pays quand il s’aliène par l’hypothèque.

Ainsi, la désertion du capital national que Say avait très-judicieusement signalée comme la seule chose à craindre d’une importation excessive, cette désertion est inévitable : elle s’accomplit, non, il est vrai, par le transport matériel du capital, mais par le transport de la rente, par la perte de la propriété, ce qui est exactement la même chose.

Mais les économistes n’admettent pas le cas extrême que nous supposions tout à l’heure, et qui leur donnerait trop évidemment tort. Ils observent, et avec raison du reste, qu’aucune nation ne traite exclusivement avec de l’argent ; qu’il faut donc se borner à raisonner sur le réel, non sur l’hypothétique : après avoir trouvé bon, pour réfuter leurs adversaires, d’en pousser les principes jusqu’aux dernières conséquences, ils ne souffrent pas qu’on en use de même avec eux : ce qui implique de leur part l’aveu qu’ils ne croient plus à leurs propres principes, dès lors qu’on essaie de pousser ces principes jusqu’au bout. Plaçons-nous donc avec les économistes sur le terrain de la réalité, et sachons si du moins leur théorie, en la prenant par le juste-milieu, est vraie.

Or, je soutiens que le même mouvement de désertion se manifestera, quoiqu’avec moins d’intensité, lorsqu’au lieu de payer la totalité de ses acquisitions en argent, le pays importateur en soldera une partie par ses propres produits. Comment est-il possible de rendre obscure une proposition d’une évidence mathématique ? Si la France importe chaque