Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/331

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travail se payait lui-même sans passer par la servitude du capital, l’entremise du banquier et la surveillance de la police, le peuple a dû laisser courir l’économie politique, et tourner seuls ses engrenages. Le crédit a coulé bas, les banques ont sauté, le capital exploitant a été englouti, et l’Américain a poursuivi, par le travail et l’égalité, sa fortune. Sans doute un jour viendra où ce merveilleux progrès ira d’un pas moins agile : mais sans doute aussi qu’alors la population, sans contrainte et sans misère, ralentira spontanément son essor, à moins que l’économie politique, la théorie de l’instabilité et du vol, ne vienne briser cet accord.

Depuis ciuquante ans, observe E. Burel et après lui M. Fix, la richesse nationale en France a quintuplé, tandis que la population ne s’est pas accrue de moitié. À ce compte la richesse aurait marché dix fois plus vite que la population : d’où vient qu’au lieu de se réduire proportionnellement, la misère s’est accrue ?

Ne confondez pas, nous dira l’économiste, la richesse avec les subsistances. La richesse se compose de tout ce qui, étant le produit du travail, a pour l’homme une valeur quelconque, de plaisir aussi bien que d’alimentation. Les subsistances sont la partie de cette richesse qui sert plus particulièrement au soutien de la vie. Or, c’est de cette portion de la richesse qu’il faut entendre la progression arithmétique de Malthus.

Distinction ridicule, réfutée d’avance par la théorie de la proportionnalité des valeurs. Les subsistances sont nécessairement en rapport avec les autres parties de la richesse, et il est rigoureusement vrai de dire que si depuis cinquante ans le revenu de la France a quintuplé, la France consomme cinq fois plus. Dans la société, toutes les valeurs se mesurent, c’est-à-dire s’acquittent les unes les autres, se soutiennent réciproquement. La production des objets de luxe prouve précisément que les subsistances sont en quantité suflisante, puisque en définitivec’estavec des subsistances que ce luxe a été payé, comme ces subsistances ont été payées à leur tour avec de l’argent ou d’autres valeurs. S’est-on aperçu que depuis cinquante ans le prix des choses de première nécessité se soit relativement accru ? Tout au contraire, le prix relatif a dû plutôt faiblir : et si les subsistances manquent au peuple, comme le vin, la faute n’en est pas au vignoble ni au vigneron, puisque le vigneron se plaint de ne pouvoir vendre ; la faute en est à l’économie politique.