Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/389

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à lui seul que le double champ d’observation de la nature, l’espace et le temps.

Le moi donc, ainsi que le temps et l’espace, est infini. L’homme, et ce qui est le produit de l’homme, constitue, avec les êtres qui sont jetés à travers l’espace et les phénomènes qui se succèdent dans le temps, la triple manifestation de Dieu. Ces trois infinis, expressions infinies de l’infini, se pénètrent et se soutiennent l’un l’autre, inséparables et irréductibles : l’espace ou l’étendue ne se concevant pas sans le mouvement, lequel implique l’idée de force, c’est-à-dire une spontanéité, un moi.

Les idées des choses qui se présentent à nous dans l’espace forment pour notre imagination des tableaux ; les idées dont nous plaçons les objets dans le temps se déroulent en histoires ; enfin les idées ou rapports qui ne tombent sous la catégorie ni du temps ni de l’espace, et qui appartiennent à l’intellect, se coordonnent en systèmes.

Tableau, histoire, système, sont donc trois expressions analogues, ou plutôt homologues, par lesquelles nous faisons entendue qu’un certain nombre d’idées se présente à notre esprit comme un tout symétrique et parfait. C’est pourquoi ces expressions peuvent, en certains cas, se prendre l’une pour l’autre, ainsi que nous l’avons pratiqué au commencement de cet ouvrage, lorsque nous l’avons présenté comme une histoire de l’économie politique, non plus selon la date des découvertes, mais selon l’ordre des théories.

Nous concevons donc, et nous ne pouvons pas ne pas concevoir une capacité pour les choses de pensée pure, ou, comme dit Kant, pour les noumènes, de la même manière que nous en concevons deux autres pour les choses sensibles, ou phénomènes.

Mais l’espace et le temps ne sont rien de réel : ce sont deux formes imprimées au moi par l’aperception extérieure. Pareillement l’intelligence n’est aussi rien de réel : c’est une forme que le moi s’impose à lui-même, par analogie, à l’occasion des idées que l’expérience lui suggère.

Quant à l’ordre d’acquisition des idées, intuitions ou images, il nous semble que nous commençons par celles dont les types ou réalités sont compris dans l’espace ; que nous continuons en arrêtant, pour ainsi dire, au vol les idées que le temps emporte ; et qu’enfin nous découvrons tout à coup, à l’aide des aperceptions sensibles, les idées ou concepts, sans modèle extérieur, qui nous apparaissent dans