Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/391

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une psycologie, une théologie, une politique, une esthétique, une symbolique et une morale…

Le champ de la science reconnu, et sa délimitation opérée, nous avions à en reconnaître la méthode. Or, la méthode de la science économique est encore la même que celle de la philosophie : l’organisation du travail, selon nous, n’est autre chose que l’organisation du sens commun…

Parmi les lois qui constituent cette organisation nous avons remarqué l’antinomie.

Toute pensée vraie, avons-nous observé, se pose en un temps et deux moments. Chacun de ces moments étant la négation de l’autre, et tous deux ne devant disparaître que sous une idée supérieure, il suit que l’antinomie est la loi même de la vie et du progrès, le principe du mouvement perpétuel. En effet, si une chose, en vertu de la puissance d’évolution qui est en elle, se répare précisément de tout ce qu’elle perd, il s’ensuit que cette chose est indestructible, et le mouvement qui la soutient éternel. Dans l’économie sociale, ce que la concurrence est sans cesse occupée à faire, le monopole est sans cesse occupé à le défaire ; ce que le travail produit, la consommation le dévore ; ce que la propriété s’attribue, la société s’en empare : et de là résulte le mouvement continu, la vie indéfectible de l’humanité. Si l’une des deux forces antagonistes est entravée, que l’activité individuelle, par exemple, succombe sous l’autorité sociale, l’organisation dégénère au communisme et aboutit au néant. Si au contraire l’initiative individuelle manque de contrepoids, l’organisme collectif se corrompt, et la civilisation se traîne sous un régime de castes, d’iniquité et de misère.

L’antinomie est le principe de l’attraction et du mouvement, la raison de l’équilibre : c’est elle qui produit la passion, et qui décompose toute harmonie et tout accord…

Vient ensuite la loi de progression et de série, la mélodie des êtres, loi du beau et du sublime. Otez l’antinomie, le progrès des êtres est inexplicable : car où est la force qui engendrerait ce progrès ? Otez la série, le monde n’est plus qu’une mêlée d’oppositions stériles, une ébullition universelle, sans but et sans idée…

Quand même ces spéculations, pour nous vérité pure, paraîtraient douteuses, l’application que nous en avons faite serait encore d’une utilité immense. Que l’on veuille bien y réfléchir : il n’est pas un seul moment de la vie où le même homme n’affirme et ne nie à la fois les mêmes principes et