Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/393

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eux : de là la théorie de proportionnalité qui domine toute la science économique, et à laquelle se fût élevé A. Smith, s’il avait été dans l’esprit de son temps de poursuivre, à l’aide de la logique, un système d’expériences.

Mais comment se manifeste dans la société la justice, en autres termes, comment s’établit la proportionnalité des valeurs ? J.-B. Say l’a dit : par un mouvement oscillatoire entre la valeur d’utilité et la valeur d’échange.

Ici apparaît dans l’économie politique, en regard du travail, son maître et trop souvent son bourreau, le principe arbitral.

Au départ de la science, le travail, dépourvu de méthode, sans intelligence de la valeur, bégayant à peine ses premiers essais, fait appel au libre arbitre pour constituer la richesse et fixer le prix des choses. Dès ce moment les deux puissances entrent en lutte, et le grand œuvre de l’organisation sociale est inauguré. Car travail et libre arbitre, c’est ce que plus tard nous appellerons travail et capital, salariat et privilège, concurrence et monopole, communauté et propriété, plèbe et noblesse, état et citoyen, association et individualisme. Pour quiconque a reçu les premières notions de la logique, il est évident que toutes ces oppositions, éternellement renaissantes, doivent être éternellement résolues ; or, c’est ce que ne veulent point entendre les économistes, à qui le principe arbitral inhérent à la valeur semble réfractaire à toute détermination ; et c’est, avec l’horreur de la philosophie, ce qui cause le retard si funeste à la société, de la science économique.

« Il serait aussi absurde, dit Mac-Culloch, de parler d’une hauteur et d’une profondeur absolue, que d’une valeur absolue. »

Les économistes disent tous la même chose, et l’on peut juger par cet exemple combien ils sont loin de s’entendre, et sur la nature de la valeur, et sur le sens des mots dont ils se servent. L’expression d’absolu emporte l’idée d’intégralité, de perfection, ou plénitude, partant de précision et justesse. Une majorité absolue est une majorité juste (moitié plus un), ce n’est pas une majorité indéfinie. De même la valeur absolue est la valeur précise, déduite de la comparaison exacte des produits entre eux : il n’y a rien au monde d’aussi simple. Mais il en résulte cette conséquence capitale, c’est que les valeurs se mesurant l’une l’autre, elles ne doivent point osciller au hasard : tel est le vœu suprême de la