Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/401

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cevons avec reconnaissance, reprit le pape, tout ce qui nous vient de Dieu : mais toi, prends garde de rien faire qui ne te soit commandé !

Propriétaires, qui êtes-vous ?…

Chose étrange, la propriété, attaquée de toutes parts au nom de la charité, de la justice, de l’économie sociale, n’a jamais su répondre pour sa juctification que ces mots : Je suis parce que je suis. Je suis la négation de la société, la spoliation du travailleur, le droit de l’improductif, la raison du plus fort, et nul ne peut vivre si je ne le dévore.

Cette effroyable énigme a fait le désespoir des intelligences les plus sagaces.

« Avant l’appropriation des terres et l’accumulation des capitaux, le produit entier du travail appartenait à l’ouvrier, Il n’y avait ni propriétaire ni maître avec qui il dût partager. Si cet état eût continué, le salaire du travail aurait augmenté avec tout cet accroissement de la puissance productive, auquel donne lieu la division. Produite par de moindres quantités de travail, elles auraient été acquises par des quantités toujours moindres. »

Ainsi dit A. Smith. Et ajoute son commentateur :

« Je puis bien comprendre comment le droit de s’approprier, sous le nom d’intérêt, profit ou fermage, le produit d’autres individus, devient un aliment à la cupidité ; mais je ne puis imaginer qu’en diminuant la récompense du travailleur pour ajouter à l’opulence de l’homme oisif, on puisse accroître l’industrie ou accélérer les progrès de la société en richesse. »

La raison de ce prélèvement, que ni Smith ni son commentateur n’ont aperçue, nous allons la redire, afin que la loi inexorable qui gouverne la société humaine soit de nouveau et pour la dernière fois mise en lumière.

Diviser le travail, c’est ne faire qu’une production de pièces : pour qu’il y ait valeur, il faut une composition. Avant l’institution de la propriété, chacun est maître de puiser dans l’Océan l’eau dont il tire le sel de ses aliments, de cueillir l’olive dont il extraira son huile, de ramasser le minerai qui contient le fer et l’or. Chacun est libre encore d’échanger une partie de ce qu’il aura recueilli contre une quantité équivalente des provisions faites par un autre : jusque-là, nous ne sortons pas du droit sacré du travail et de la communauté de la terre. Or, si j’ai le droit d’user, soit par mon travail personnel, soit par l’échange, de tous les produits de