Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/407

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ducteur aura dans sa maison un hôtel des monnaies, et, comme la fiction du capital productif a opéré la spoliation de l’ouvrier, ainsi le travail organisé résorbera le capital ; — que le propriétaire sache qu’il n’est que le collecteur des rentes de la société, et que s’il a pu jadis, à la faveur de la guerre, mettre l’interdit sur le sol, le prolétaire peut à son tour, par l’association, mettire l’interdit sur les récoltes, et faire expirer la propriété dans le vide ; — que le prince et son orgueilleux cortège, ses militaires, ses juges, ses conseillers, ses pairs et toute l’armée des improductifs, se hâtent de crier Merci ! au laboureur et à l’industriel, parce que l’organisation du travail est synonyme de la subordination du pouvoir, qu’il dépend du travailleur d’abandonner l’improductif à son indigence, et de faire périr le pouvoir dans la honte et la famine…

Toutes ces choses arriveront, non pas comme nouveautés imprévues, inespérées, effet subit des passions du peuple, ou de l’habileté de quelques hommes ; mais par le retour spontané de la société à une pratique immémoriale, momentanément délaissée, et pour cause...

L’humanité, dans sa marche oscillatoire, tourne incessamment sur elle-même : ses progrès ne sont que le rajeunissement de ses traditions ; ses systèmes, si opposés en apparence, présentent toujours le même fond, vu de côtés différents. La vérité, dans le mouvement de la civilisation, reste toujours identique, toujours ancienne et toujours nouvelle : la religion, la philosophie, la science, ne font que se traduire. Et c’est précisément ce qui constitue la providence et l’infaillibilité de la raison humaine ; ce qui assure, au sein même du progrès, l’immutabilité de notre être ; ce qui rend la société à la fois inaltérable dans son essence et irrésistible dans ses révolutions ; et qui, étendant continuellement la perspective, montrant toujours au loin la solution dernière, fonde l’autorité de nos mystérieux pressentiments.

En réfléchissant sur ces combats de l’humanité, je me rappelle involontairement que dans la symbolique chrétienne à l’Église militante doit succéder au dernier jour une Église triomphante, et le système des contradictions sociales m’apparaît comme un pont magique, jeté sur le fleuve de l’oubli.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


fin.