Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/47

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hectolitre, la production anglaise, soutenue par l’Amérique, forcera l’Amérique à baisser ses prix de 3 fr. de plus que celle-ci n’avait fait d’abord ; mais jamais par ce moyen l’Angleterre ne pourra ressaisir l’avantage. Que dis-je ? si tout baisse en Angleterre, la baisse de ses marchandises profitera aux Américains, qui seront de plus en plus assurés de la supériorité par leurs céréales. Encore une fois, prouvez le contraire, ou retirez vos paroles.

Laissons entrer chez nous, dit M. Blanqui, les fers, la houille, les tissus, toutes les matières premières de notre travail ; et il arrivera pour chacune de nos industries ce qui est arrivé pour la production du sucre de betterave, après qu’il eut été débarrassé des droits qui le protégeaient : elles augmenteront de puissance. — Par malheur pour l’assertion de M. Blanqui, les fabricants de sucre de betterave ont réclamé : ils ont dit que le progrès qu’ils avaient obtenu dans la fabrication, ils le devaient, non pas à la concurrence étrangère, mais à leurs propres efforts, à leur propre intelligence ; que ce progrès, en un mot, ils le tenaient de leur propre fonds, non du secours de l’étranger. Dans le système de M. Blanqui, la protection, même la plus modérée, doit nuire à l’industrie d’un pays : tout au contraire, par la protection cette industrie (c’est elle-même qui l’assure) prospère. Ainsi on a vu en quelque années l’industrie linière monter en France de 90,000 broches à 150,000 ; et d’après le ministre du commerce, 60,000 broches sont en ce moment commandées. Comment en serait-il autrement ? Comment, à moins d’associer les sucreries de France avec celles des Antilles, les filatures de la Bretagne avec celles de Belgique, le bon marché de l’industrie étrangère pourrait-il aider à faire marcher la nôtre ? Un fabricant de sucre de betterave me dirait le contraire que je ne le croirais pas. M. Blanqui a-t-il entendu seulement que la concurrence étrangère, agissant comme stimulant, rendra nos industriels plus inventifs, et par conséquent nos manufactures plus fécondes ? En ce cas, l’introduction des produits étrangers n’est qu’un moyen de haute police commerciale entre les mains du gouvernement. Qu’on l’avoue, et la cause est entendue ; il n’y a plus matière à controverse.

Si je prouvais à mon tour que la liberté absolue du commerce, avec le maintien des monopoles nationaux et individuels, non-seulement n’est pas une cause de richesse, puisqu’avec une semblable liberté l’équilibre entre les nations