Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/98

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l’initiative, j’ai presque dit de la confiscation gouvernementale, à qui la communauté seule peut profiter.

Mais la science ne s’enquiert point de ce qui plaît, elle cherche ce qui est possible : et toutes nos passions antibanquières, nos tendances absolutistes et communistes, ne peuvent prévaloir à ses yeux sur l’intime raison des choses. Or, l’idée de faire dériver de l’état tout crédit, et par conséquent toute garantie, peut se traduire dans la question suivante : L’état, organe improductif, personnage sans propriétés et sans capitaux, n’offrant pour gage hypothécaire que son budget, toujours emprunteur, toujours banqueroutier, toujours obéré, qui ne peut s’engager sans engager avec lui tout le monde, par conséquent ses prêteurs eux-mêmes, hors duquel, enfin, se sont développées spontanément toutes les institutions de crédit, l’état, par ses ressources, sa garantie, son initiative, la solidarité qu’il impose, peut-il devenir le commanditaire universel, l’auteur du crédit ? Et quand il le pourrait, la société le souffrirait-elle ?

Si cette question était résolue par l’affirmative, il s’ensuivrait que l’état possède le moyen de remplir le vœu de la société manifesté par le crédit, lorsque, renonçant à son utopie d’affranchissement du prolétariat par le libre commerce et se reployant sur elle-même, elle cherche à rétablir l’équilibre entre la production et la consommation, par un retour du capital au travail qui le produit. L’état, en constituant le crédit, aurait obtenu l’équivalent de la constitution des valeurs : le problème économique serait résolu, le travail affranchi, la misère refoulée.

La proposition de rendre l’état tout à la fois auteur et distributeur du crédit malgré sa tendance despotico-communiste, est donc d’une importance capitale, et mérite d’attirer toute notre attention. Pour la traiter, non pas avec l’étendue qu’elle mérite, car au point où nous sommes parvenus, les questions économiques n’ont plus de bornes ; mais avec la profondeur et la généralité qui seules peuvent suppléer aux détails, nous la diviserons en deux périodes : l’une, qui embrasse tout le passé de l’état relativement au crédit, et que nous allons sur-le-champ passer en revue ; l’autre qui aura pour objet de déterminer ce que contient la théorie du crédit, et par conséquent ce que l’on peut attendre d’une organisation du crédit, soit par l’état, soit par le capital libre ; ce sera la matière du second et du troisième paragraphe.

Si, pour apprécier la puissance d’organisation qu’il a plu