Page:Proust - À la recherche du temps perdu édition 1919 tome 4.djvu/193

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plus héraldique, vous répondrait que notre cri, notre cri de guerre, qui devint ensuite Passavant, était d’abord Combraysis, dit-il en riant pour ne pas avoir l’air de tirer vanité de cette prérogative du cri qu’avaient seules les maisons quasi souveraines, les grands chefs de bandes. Il est le frère du possesseur actuel du château.

Ainsi s’apparentait, et de tout près, aux Guermantes cette Mme  de Villeparisis, restée si longtemps pour moi la dame qui m’avait donné une boîte de chocolat tenue par un canard, quand j’étais petit, plus éloignée alors du côté de Guermantes que si elle avait été enfermée dans le côté de Méséglise, moins brillante, moins haut située par moi que l’opticien de Combray, et qui maintenant subissait brusquement une de ces hausses fantastiques, parallèles aux dépréciations non moins imprévues d’autres objets que nous possédons, lesquelles — les unes comme les autres — introduisent dans notre adolescence et dans les parties de notre vie où persiste un peu de notre adolescence, des changements aussi nombreux que les métamorphoses d’Ovide.

— Est-ce qu’il n’y a pas dans ce château tous les bustes des anciens seigneurs de Guermantes ?

— Oui, c’est un beau spectacle, dit ironiquement Saint-Loup. Entre nous je trouve toutes ces choses-là un peu falotes. Mais il y a à Guermantes, ce qui est un peu plus intéressant ! un portrait bien touchant de ma tante par Carrière. C’est beau comme du Whistler ou du Vélasquez, ajouta Saint-Loup qui dans son zèle de néophyte ne gardait pas toujours très exactement l’échelle des grandeurs. Il y a aussi d’émouvantes peintures de Gustave Moreau. Ma tante est la nièce de votre amie Madame de Villeparisis, elle a été élevée par elle, et a épousé son cousin qui était neveu aussi de ma tante Villeparisis, le duc de Guermantes actuel.

— Et alors qu’est votre oncle ?