Page:Proust - À la recherche du temps perdu édition 1919 tome 6.djvu/42

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Comme un des valets de pied de Mme  de Guermantes causait beaucoup avec Françoise, j’entendis nommer quelques-uns des salons où elle allait, mais je ne me les représentais pas : du moment qu’ils étaient une partie de sa vie, de sa vie que je ne voyais qu’à travers son nom, n’étaient-ils pas inconcevables ?

— Il y a ce soir grande soirée d’ombres chinoises chez la princesse de Parme, disait le valet de pied, mais nous n’irons pas, parce que, à cinq heures, Madame prend le train de Chantilly pour aller passer deux jours chez le duc d’Aumale, mais c’est la femme de chambre et le valet de chambre qui y vont. Moi je reste ici. Elle ne sera pas contente, la princesse de Parme, elle a écrit plus de quatre fois à Madame la Duchesse.

— Alors vous n’êtes plus pour aller au château de Guermantes cette année ?

— C’est la première fois que nous n’y serons pas : à cause des rhumatismes à Monsieur le Duc, le docteur a défendu qu’on y retourne avant qu’il y ait un calorifère, mais avant ça tous les ans on y était pour jusqu’en janvier. Si le calorifère n’est pas prêt, peut-être Madame ira quelques jours à Cannes chez la duchesse de Guise, mais ce n’est pas encore sûr.

— Et au théâtre, est-ce que vous y allez ?

— Nous allons quelquefois à l’Opéra, quelquefois aux soirées d’abonnement de la princesse de Parme, c’est tous les huit jours ; il paraît que c’est très chic ce qu’on voit : il y a pièces, opéra, tout. Madame la Duchesse n’a pas voulu prendre d’abonnements mais nous y allons tout de même une fois dans une loge d’une amie à Madame, une autre fois dans une autre, souvent dans la baignoire de la princesse de Guermantes, la femme du cousin à Monsieur le Duc. C’est la sœur au duc de Bavière.

— Et alors vous remontez comme ça chez vous, disait le valet de pied qui, bien qu’identifié aux Guermantes, avait cependant des maîtres en général