Page:Proust - À la recherche du temps perdu édition 1919 tome 7.djvu/84

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— Est-ce que ce n’est pas assez faux chic, assez snob à côté, ces Sagan ? dit-il d’un air sarcastique.

— Mais pas du tout, c’est ce que nous faisons de mieux dans le genre, répondit M. d’Argencourt qui avait adopté toutes les plaisanteries parisiennes.

— Alors, dit Bloch à demi ironiquement, c’est ce qu’on appelle une des solennités, des grandes assises mondaines de la saison !

Mme de Villeparisis dit gaiement à Mme de Guermantes :

— Voyons, est-ce une grande solennité mondaine, le bal de Mme de Sagan ?

— Ce n’est pas à moi qu’il faut demander cela, lui répondit ironiquement la duchesse, je ne suis pas encore arrivée à savoir ce que c’était qu’une solennité mondaine. Du reste, les choses mondaines ne sont pas mon fort.

— Ah ! je croyais le contraire, dit Bloch qui se figurait que Mme de Guermantes avait parlé sincèrement.

Il continua, au grand désespoir de M. de Norpois, à lui poser nombre de questions sur les officiers dont le nom revenait le plus souvent à propos de l’affaire Dreyfus ; celui-ci déclara qu’à « vue de nez » le colonel du Paty de Clam lui faisait l’effet d’un cerveau un peu fumeux et qui n’avait peut-être pas été très heureusement choisi pour conduire cette chose délicate, qui exige tant de sang-froid et de discernement, une instruction.

— Je sais que le parti socialiste réclame sa tête à cor et à cri, ainsi que l’élargissement immédiat du prisonnier de l’île du Diable. Mais je pense que nous n’en sommes pas encore réduits à passer ainsi sous les fourches caudines de MM. Gérault-Richard et consorts. Cette affaire-là, jusqu’ici, c’est la bouteille à l’encre. Je ne dis pas que d’un côté comme de l’autre il n’y ait à cacher d’assez vilaines turpitudes. Que