Page:Proust - Albertine disparue.djvu/271

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en 1870, quand la mobilisation était presque achevée, M. de Norpois (restant dans l’ombre naturellement) avait cru devoir envoyer à ce journal fameux, l’éditorial suivant :

« L’opinion semble prévaloir dans les cercles autorisés que, depuis hier, dans le milieu de l’après-midi, la situation, sans avoir, bien entendu, un caractère alarmant, pourrait être envisagée comme sérieuse et même, par certains côtés, comme susceptible d’être considérée comme critique. M. le marquis de Norpois aurait eu plusieurs entretiens avec le ministre de Prusse afin d’examiner dans un esprit de fermeté et de conciliation, et d’une façon tout à fait concrète, les différents motifs de friction existants, si l’on peut parler ainsi. La nouvelle n’a malheureusement pas été reçue par nous, à l’heure où nous mettons sous presse, que Leurs Excellences aient pu se mettre d’accord sur une formule pouvant servir de base à un instrument diplomatique. »

Dernière heure : « On a appris avec satisfaction dans les cercles bien informés, qu’une légère détente semble s’être produite dans les rapports franco-prussiens. On attacherait une importance toute particulière au fait que M. de Norpois aurait rencontré « unter den Linden » le ministre d’Angleterre, avec qui il s’est entretenu une vingtaine de minutes. Cette nouvelle est considérée comme satisfaisante. » (On avait ajouté entre parenthèses, après satisfaisante, le mot allemand équivalent : befriedigend.) Et le lendemain on lisait dans l’éditorial : « Il semblerait, malgré toute la souplesse de M. de Norpois, à qui tout le monde se plaît à rendre hommage pour l’habile énergie avec laquelle il a su défendre les droits imprescriptibles de la France, qu’une rupture n’a plus pour ainsi dire presque aucune chance d’être évitée. »

Le journal ne pouvait pas se dispenser de faire suivre un pareil éditorial de quelques commentaires,