Page:Proust - Albertine disparue.djvu/292

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cela. Elle avait trouvé la petite nièce d’un giletier plus « noble » que le duc de Guermantes. » Mais plus encore que louer grand’mère, il fallait à ma mère trouver « mieux » pour elle qu’elle ne fût plus là. C’était la suprême finalité de sa tendresse et comme si cela lui épargnait un dernier chagrin. « Et pourtant, crois-tu tout de même, me dit ma mère, si le père Swann — que tu n’as pas connu, il est vrai — avait pu penser qu’il aurait un jour un arrière-petit-fils ou une arrière-petite-fille où couleraient confondus le sang de la mère Moser qui disait : « Ponchour Mezieurs » et le sang du duc de Guise ! — Mais remarque, maman, que c’est beaucoup plus étonnant que tu ne dis. Car les Swann étaient des gens très bien et, avec la situation qu’avait leur fils, sa fille, s’il avait fait un bon mariage, aurait pu en faire un très beau. Mais tout était retombé à pied d’œuvre puisqu’il avait épousé une cocotte. — Oh ! une cocotte, tu sais, on était peut-être méchant, je n’ai jamais tout cru. — Si, une cocotte, je te ferai même des révélations sensationnelles un autre jour. » Perdue dans sa rêverie, ma mère disait : « La fille d’une femme que ton père n’aurait jamais permis que je salue épousant le neveu de Mme de Villeparisis que ton père ne me permettait pas, au commencement, d’aller voir parce qu’il la trouvait d’un monde trop brillant pour moi ! » Puis : « Le fils de Mme de Cambremer, pour qui Legrandin craignait tant d’avoir à nous donner une recommandation parce qu’il ne nous trouvait pas assez chic, épousant la nièce d’un homme qui n’aurait jamais osé monter chez nous que par l’escalier de service !… Tout de même, ta pauvre grand’mère avait raison — tu te rappelles — quand elle disait que la grande aristocratie faisait des choses qui choqueraient de petits bourgeois, et que la reine Marie-Amélie lui était gâtée par les avances qu’elle avait faites à la maîtresse du prince de Condé pour qu’elle le fît tester en faveur du duc d’Aumale. Tu te