Page:Proust - Le Temps retrouvé, tome 2.djvu/239

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la plupart des êtres, d’ailleurs, n’était-elle pas comme sont dans les forêts les « étoiles » des carrefours où viennent converger des routes venues, pour notre vie aussi, des points les plus différents. Elles étaient nombreuses pour moi, celles qui aboutissaient à Mlle de Saint-Loup et qui rayonnaient autour d’elle. Et avant tout venaient aboutir à elle les deux grands « côtés » où j’avais fait tant de promenades et de rêves — par son père Robert de Saint-Loup le côté de Guermantes, par Gilberte sa mère le côté de Méséglise qui était le côté de chez Swann. L’un, par la mère de la jeune fille et les Champs-Élysées, me menait jusqu’à Swann, à mes soirs de Combray, au côté de Méséglise ; l’autre, par son père, à mes après-midi de Balbec où je le revoyais près de la mer ensoleillée. Déjà entre ces deux routes des transversales s’établissaient. Car ce Balbec réel où j’avais connu Saint-Loup, c’était en grande partie à cause de ce que Swann m’avait dit sur les églises, sur l’église persane surtout, que j’avais tant voulu y aller et, d’autre part, par Robert de Saint-Loup, neveu de la duchesse de Guermantes, je rejoignais, à Combray encore, le côté de Guermantes. Mais à bien d’autres points de ma vie encore conduisait Mlle de Saint-Loup, à la Dame en rose, qui était sa grand’mère et que j’avais vue chez mon grand-oncle. Nouvelle transversale ici, car le valet de chambre de ce grand-oncle et qui m’avait introduit ce jour-là et qui plus tard m’avait, par le don d’une photographie, permis d’identifier la Dame en rose, était l’oncle du jeune homme que, non seulement M. de Charlus, mais le père même de Mlle de Saint-Loup avait aimé, pour qui il avait rendu sa mère malheureuse. Et n’était-ce pas le grand-père de Mlle de