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EN MÉMOIRE DES ÉGLISES ASSASSINÉES

et où les petites collines se réjouiront de tous côtés[1] ; si, vous séparant des compagnons qui vous ont donné toute la meilleure joie que vous ayez eue sur la terre, vous désirez jamais rencontrer de nouveau leurs yeux et presser leurs mains — là où les yeux ne seront plus voilés, où les mains ne failliront plus ; si, vous préparant à être couchés sous l’herbe dans le silence et la solitude sans plus voir la beauté, sans plus sentir la joie, vous vouliez vous préoccuper de la promesse qui vous a été faite d’un temps dans lequel vous verriez la lumière de Dieu et connaîtriez les choses que vous aviez soif de connaître, et marcheriez dans la paix de l’amour éternel — alors l’espoir de ces choses pour vous est la religion ; leur substance dans votre vie est la foi. Et dans leur vertu il nous est promis que les royaumes de ce monde deviendront un jour les royaumes de Notre-Seigneur et de son Christ[2] ».

Voici terminé l’enseignement que les hommes du xiiie siècle allaient chercher à la cathédrale et que, par un luxe inutile et bizarre, elle continue à offrir en une sorte de livre ouvert, écrit dans un langage solennel où chaque caractère est une œuvre d’art, et que personne ne comprend plus. Lui donnant un sens moins littéralement religieux qu’au moyen âge ou même seulement un sens esthétique, vous avez pu néanmoins le rattacher à quelqu’un de ces sentiments qui nous apparaissent par delà notre vie comme la véritable réalité, à une de « ces étoiles à qui il convient d’attacher notre char ». Comprenant mal jusque-là

  1. Psaumes, LXV, 13.
  2. Saint Jean, Révélation, XI, 15.
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