Page:Quérard - Les Supercheries littéraires dévoilées, tome 1, 1869.djvu/603

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
1169
1170
DUMAS  DUMAS

Cette discussion blessa l’amour-propre de notre habile arrangeur, et un nouveau cartel fut envoyé à M. Léon de Malleville, qui répondit qu’il n’était point assez homme de lettres pour se mesurer avec M. le marquis Davy de la Pailleterie.

Voici sur la dernière péripétie de ce procès une note très-piquante, insérée dans les journaux, et qui prouve qu’il existe encore des hommes qui honorent la littérature, et s’honorent eux-mêmes de lui appartenir.

« Quelques journaux répètent l’extrait suivant d’une correspondance de Paris, adressée aux journaux des départements, au sujet des bruits qui ont couru, depuis quelques jours, sur une démarche de M. Alexandre Dumas.

« Le lendemain de la séance où plusieurs députés ont traité M. Alexandre Dumas d’une façon fort leste, M. Dumas eut l’intention de demander des explications à l’un d’eux, M. Léon de Maleville. Dans ce but, il envoya un de ses collaborateurs ordinaires, M. Maquet, prier M. Viennet de l’assister, en sa qualité de président de la Société des gens de lettres. M. Viennet, sans dire la réponse qu’il avait à faire à cette invitation, demanda que M. Dumas lui écrivît lui-même : ce qu’il fit. Alors M. Viennet lui adressa une lettre où il refusait ce service en déduisant ses motifs. La principale raison était que M. Dumas, devant le tribunal civil de la Seine, avait, en quelque sorte, décliné son titre d’homme de lettres pour prendre celui de marquis. Or, on sait que M. Viennet a toujours ouvertement mis son titre d’écrivain en tête de tous les autres, et qu’il renoncerait plutôt à la pairie qu’à l’honneur de s’appeler homme de lettres. Ce refus a paru à M. Dumas un obstacle suffisant à son projet. »

(Commerce, 20 février 1847).
TABLE ALPHABÉTIQUE
DES OUVRAGES CITÉS DANS LA PRÉCÉDENTE
NOTICE[1]

Abbaye (l’) de Peyssac, 4e partie de la Guerre des Femmes, 93.
Abbaye (l’) de Sainte-Radegonde de Peyssac, 5e part (épilogue) de la Guerre des femmes, 93.
Acté, 60.
Albine, 74.
Alchimiste (l’), drame, 29.
Alibi (l)’, nouv., 109.
Amaury (par M. Paul Meurice), 82.
Andréa del Sarto, 127.
Andrée de Taverney, 2e part. des Mémoires d’un Médecin, 95.

    mas, imprimait dans sa Revue de Paris, du 13 février, note assez étrange, quoique d’un homme d’infiniment d’esprit :
    « Il est des gens qui semblent vouloir se donner une valeur relative en se mêlant aux choses retentissantes et en s’attaquant aux célébrités. Le procès d’Alexandre Dumas fait grand bruit : l’occasion est belle pour faire parler de soi en prenant part au débat. Dans une grave enceinte, un orateur peu connu s’est emparé de l’affaire par son côté politique. Il en avait le droit ; mais il a pêché par la forme. Pourquoi, s’il vous plaît, prendre un ton superbe et dédaigneux en parlant d’un homme qui est incontestablement une des illustrations littéraires les plus éclatantes de notre époque ? L’orateur en question, qui s’appelle M. de Castellane, parlant d’Alexandre Dumas, l’a intitulé — un entrepreneur de feuilletons (M. Dumas lui-même devant les tribunaux n’a-t-il pas qualifié de marchandise ses productions littéraires ?). — Est-ce bien là de l’atticisme parlementaire ? Puis affectant de ne pas prononcer son nom, il le désignait en disant : « Ce Monsieur. » Cela peut être très-méchant, mais il nous semble que pour se permettre un si beau dédain il faudrait parler du haut d’une grande valeur personnelle, d’un beau talent ou d’une renommée quelconque. Du haut de quoi parlait M. de Castellane ? — Du haut de rien. » — Mais si, monsieur Eugène Guinot, du haut de sa valeur personnelle, de son haut de député, hauteur à laquelle M. Alex. Dumas aspire depuis longtemps, et à laquelle il ne parviendra jamais, de ce haut qui ne s’irrite pas assez souvent de la dilapidation de notre fortune publique, pour qu’on ne lui sache pas beaucoup de gré des rares censures qu’il adresse aux ministres. D’ailleurs, M. de Castellane est lui-même, et M. Dumas n’a voulu rien être sans des collaborateurs, et on ne peut contester qu’ils y ont passablement contribué.
    « Nous connaissons M. le comte Jules de Castellane, continue M. Eug. Guinot, qui est un homme de beaucoup d’esprit et de bon goût, célèbre par les fêtes dramatiques qu’il donnait dans son hôtel du faubourg Saint-Honoré. M. de Caslellane l’orateur en est encore à se faire connaître, et nous lui souhaitons, sans l’espérer, qu’il arrive un jour par l’éloquence à la hauteur où est parvenu par son talent d’écrivain dramatique et de romancier ce monsieur qui s’appelle Alexandre Dumas.
    « Il faudrait laisser aux prédicateurs de la chaire évangélique ces emportements jaloux contre le feuilleton. Voltaire et Rousseau étaient usés ; le père Lacordaire, le père Ravignan et autres émules du père Bridaine fulminent contre les romanciers modernes : pourquoi toucher à leur bien et piller leur spécialité ? La politique n’est-elle donc pas assez riche pour se passer de faire ces emprunts à l’Église, et ne peut-on combattre le ministère sans frapper à tour de bras sur la littérature ? »
    On ne peut disconvenir que cet article ne soit écrit avec esprit, mais il est d’une plume amie, et par conséquent il pourrait être plus juste. Quoi ! 10,000 fr. sont pris « sur les fonds destinés à encourager les lettres indigentes » et le commandement du Véloce, 30,000 fr. de dépenses connues pour l’État ! sont adjugés à M. Dumas pour son « divertissement. » Et l’on ne peut pas y trouver à redire.

  1. Cette table et la suivante rectifient et complètent quelques indications de notre notice bibliographique.