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DE L’IMITATION.

chements. Or, il est certain que, selon que dans chaque mode imitatif, soit la matière de l’image, soit le moyen technique de limitation, participent plus ou moins de la nature du modèle, il y aura une moindre ou une plus grande somme de diversités à saisir, de sujets de comparaison ou de travail, et par conséquent de plaisirs pour l’ame.

La seconde opération qui entre dans son travail, comme principe du plaisir qu’elle reçoit de l’imitation, est celle dont le paragraphe précédent sur l’illusion, nous a déjà révélé le secret. Je veux parler de cette action toute particulière de l’imagination, lorsque exaltée par la perfection et la beauté de l’image tout incomplète que puisse être sa ressemblance, (ainsi qu’on l’a vu plus haut), l’ame se trouve comme forcée d’en rachever l’effet, soit en suppléant à ce que l’imitation y a dû omettre, soit en secondant par une admiration sympathique la vertu fictive de l’art, de manière que nous nous prêtons nous-mêmes à donner tantôt de la pensée aux corps, tantôt un corps et de la couleur à ce qui n’existe qu’en idée.

C’est à cette coopération, ou à ses effets, que s’appliquent toutes les locutions métaphoriques qui expriment l’action par laquelle nous nous disons ravis hors de nous, transportés en présence d’objets sans existence, par laquelle nous assistons aux scènes que nous ne voyons pas, nous tournons autour de ce