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DE L’IMITATION.


La nature ayant en tout genre associé le plaisir au besoin, la faculté d'imiter devoit acquérir avec l'accroissement de l'état de société, des développements nouveaux. Après qu'on l'eut employé à fixer par les signes imitatifs des objets l’idée de ces objets, il arriva que des traits grossièrement tracés par et pour le besoin reçurent plus de perfection. Lorsque enfin, quittant l'entrave d’images figuratives, l'écriture en fut venue au point de représenter les idées par des signes abréviatifs, ou par des traits arbitraires désignant non les choses, mais les sons des mots qui les expriment, l'art de répéter les formes des corps fut appliqué à un autre emploi, dont l'objet principal fut de plaire.

Tout cela est trop connu, pour que je m'arrête ici à faire voir le berceau des arts d’imitation, dans les besoins de tous les genres de communication que la société établit par degrés entre tous les hommes.

Le plaisir de l'imitation succéda ainsi partout au besoin de l’imitation.

Comme du besoin naquit le plaisir, le plaisir à son tour créa, dans un autre état de choses, des besoins nouveaux. Ce furent en effet de véritables besoins, pour les peuples civilisés, que de perpétuer la mémoire des bienfaiteurs ou des bienfaits ; que de porter les esprits, par la vue des monuments, aux idées d’immortalité ; que de fixer et de consacrer, dans un langage sensible, les opinions