Page:Quatremère de Quincy - Notice historique sur la vie et les ouvrages de M. Chalgrin, architecte.djvu/3

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positions. Mais peut-être dut-il plus qu’on ne le croit ses succès à l’époque où commencèrent ses études.

Cette époque, le nom seul de Servandoni la désigne assez comme étant celle d’une révolution dans le goût de l’architecture en France, celle d’un de ces changemens notables, auxquels on dirait que, par un vice de constitution, cet art serait condamné dans nos temps modernes : sorte d’effet que plusieurs expliquent par les causes générales, mais dont le principe me paraît exister dans les circonstances particulières de la renaissance de l’architecture grecque au XVe siècle.

En effet lorsqu’un art naît et croît avec un peuple, lorsqu’il se développe par les besoins de ce peuple et par ses convenances, il s’identifie à ses usages, il les perpétue et en reçoit la perpétuité. Cet état de choses n’eut pas lieu chez les peuples modernes. L’architecture qu’ils professent n’y est pas née : elle reparut toute formée. Une sorte de coalition générale contre le goût gothique dans tous les genres, introduisit aussi le goût antique dans tous les ouvrages de l’art de bâtir. Mais ce goût eut à combattre une multitude d’usages contraires à sa simplicité : il fut obligé de se coordonner à des pratiques qui lui étaient étrangères. Il fallut le refondre en quelque sorte pour le rendre propre aux nouvelles obligations qu’on lui imposa. Chacun se mit à imaginer des combinaisons particulières pour l’adapter à des applications pour lesquelles il n’avait pas été créé. De là sans doute cette habitude de variations qui s’est manifestée dans l’architecture dès l’époque de son renouvellement ; de là ce principe de changement qui s’y est comme enraciné ; et c’est ainsi qu’on peut expliquer commensal le laps d’un siècle y a produit plus de vicissitudes, que le cours de douze siècles n’y en avait vu naître autrefois ; comment enfin, depuis Bramante jusqu’à Boromini, l’art avait en Italie parcouru tous les degrés depuis le goût le plus sage jusqu’au plus déréglé.