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Pragmatique
contre les Poètes sans cervelle, babillards et gueux.


À ce titre, le sacristain fit un grand éclat de rire et dit : « On me garde pour demain. Je croyais, par ma foi, qu’il allait être question de moi ! Elle n’est que contre les poètes gueux. » Cette réflexion, qui semblait annoncer un homme au moins aisé, me parut fort plaisante. Je laissai le prologue et je commençai par le premier chapitre, qui portait :


Attendu que cette espèce de vermine que l’on appelle poètes sont nos prochains et des chrétiens, quoique mauvais ; et voyant qu’ils adorent les sourcils, les dents, les rubans et les petits souliers ; que même ils commettent d’autres crimes plus énormes : Nous ordonnons que les poètes publics et chansonniers soient renfermés pendant la Semaine Sainte comme les femmes de mauvaise vie ; qu’on les détrompe de l’erreur où ils sont, et que l’on tâche de les convertir : nous indiquons les maisons de reposoir à cet effet.

Item. Ayant égard aux excessives chaleurs de la canicule, et à ce que les couplets des poètes, semblables aux raisins secs, ne se sentent jamais de la fraîcheur de la nuit, par la multitude de soleils et d’étoiles qu’ils y emploient : nous leur imposons un silence perpétuel sur les choses du Ciel et voulons qu’il y ait pour les Muses des mois interdits, comme il y en a pour la chasse et pour la pêche, de peur qu’ils n’épuisent les astres à force de les fatiguer.