Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/106

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compris, à de pareilles que j’avais, qu’elles provenaient seulement d’engelures. Puis il ôta son chapeau et me découvrit son visage, qui avait seize points de couture de long, à en juger par une estafilade qui était bien de cette longueur et qui lui partageait le nez en deux. Il avait encore trois autres balafres qui faisaient de sa face une mappemonde seulement en lignes. « J’ai reçu celle-ci à Paris au service de Dieu et du Roi, pour qui j’ai la face tailladée, et l’on s’est contenté de me donner de bonnes paroles, qui tiennent lieu aujourd’hui de mauvaises actions. Par la vie du licencié ! lisez ces papiers. Jamais homme, vive Dieu ! aussi signalé n’a, je renie Jésus-Christ ! fait campagne ! » Et il avait raison, car il était si bien signalé, qu’on devait le reconnaître partout aux taillades qu’il avait. Il tira en même temps une boîte de fer-blanc, faite en forme de canon et me montra des papiers qui devaient appartenir à un autre dont il avait usurpé le nom. Je les lus, et je dis mille choses à sa louange, par exemple que ni le Cid ni Bernard n’avaient rien fait en comparaison de lui. Il fit alors un saut, et dit : « Comment en comparaison de moi ! Je renie Dieu ! Ni Garcia de Paredès, ni Julien Romero, ni tant d’autres hommes fameux ! Il n’y avait pas alors, non, en dépit du diable ! il n’y avait pas d’artillerie. Je renie Dieu ! Bernard ne tiendrait pas une heure aujourd’hui. Faites-vous raconter en Flandre les exploits de Mellado, et vous verrez ce qu’on vous en dira. » Je lui demandai si c’était lui : « Eh ! quel autre donc ? me