Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/112

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dire qu’à Vitançon on prescrit des règles aux hommes qui font leur métier de rapiner. » Cet entretien nous ayant familiarisés ensemble, il nous raconta qu’il était perdu par la faillite d’un banquier chez lequel il avait plus de soixante mille écus. Il le jurait sur sa conscience, quoique je pense qu’il en est de la conscience chez les marchands comme d’une certaine chose chez une fille débauchée, qui la vend, sans l’avoir. De tous ceux de cette profession personne n’a de conscience, parce que comme ils ont ouï dire qu’elle donne des remords, ils n’ont pas fait difficulté de s’en débarrasser à leur naissance avec le cordon du nombril.

Pendant que nous causions de cette manière nous aperçûmes les murs de Ségovie. Mes yeux s’en réjouirent, quoique le souvenir de ce que j’avais souffert chez Cabra altérât un peu ma satisfaction. J’arrivai à la ville, et tout en entrant je vis mon pauvre père encore exposé sur le grand chemin. Je fus réellement touché d’un si triste spectacle ; mais je devais être un peu méconnaissable depuis que j’étais sorti. J’avais de la barbe au menton et j’étais bien vêtu. Après avoir pris congé de la compagnie, je considérai qui pourrait mieux dans la ville, outre le gibet, m’indiquer la demeure de mon oncle, et je ne trouvai personne à qui m’adresser par préférence. Je demandai à beaucoup de monde la maison d’Alonzo Ramplon, mais qui que ce fût ne put me satisfaire là-dessus. On me disait qu’on ne le connaissait pas, et je me réjouis fort de voir qu’il y eût