Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/115

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la tête baissée, comme des gens qui reçoivent des bénédictions. Il accrocha le fouet à un clou : on en voyait plusieurs d’où pendaient des cordes, des lacs, des coutelas, des harpons et d’autres instruments du métier. Il me demanda pourquoi je n’ôtais pas mon manteau pour m’asseoir. Je lui répondis que je n’étais pas dans cet usage. Dieu sait ce que je souffrais en voyant l’infamie de mon oncle ! Il me dit que j’étais heureux de l’avoir rencontré dans une si bonne occasion, et que je dînerai bien, parce qu’il avait invité quelques amis.

Au même instant la porte s’ouvrit et je vis entrer, avec une robe violette qui descendait jusqu’aux pieds, un de ces hommes qui demandent pour les âmes du purgatoire. Il dit à mon oncle, en faisant résonner son petit coffre : « Les âmes du purgatoire m’ont autant valu dans ma tirelire aujourd’hui qu’à toi les fouettés. » Ils se donnèrent la main l’un à l’autre, et le quêteur pour les âmes, quoiqu’il n’en eût pas, retroussa sa robe et, montrant des jambes tortues avec des culottes de toile, se mit à danser. Ensuite il demanda si Clément était venu. À quoi mon oncle répondit que non.

Sur ces entrefaites arriva un homme enveloppé dans un capuchon, avec des sabots. C’était un hautbois champêtre, je veux dire un porcher, qu’on reconnaissait à la corne, sauf la permission, qu’il avait à la main au lieu de la porter sur sa tête, seule chose en quoi il péchait contre l’usage. Il nous salua à sa manière. Après lui vint un mulâtre, gaucher et louche,