Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/119

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ainsi accommodé il voulut se lever et, comme il avait la tête lourde, il s’appuya sur la table qui, étant branlante et mal assurée, tourna sens dessus dessous. Par là il tacha aussi les autres et pour s’en excuser il dit que le porcher l’avait poussé. Celui-ci, offensé de l’apostrophe, se leva et lui répondit d’un coup de son instrument osseux. Le quêteur riposta d’un coup de poing, le saisit au collet, le mordit à la joue, et pendant qu’ils se tenaient l’un et l’autre, les secousses et l’agitation, jointes à la boisson à outre mesure, provoquèrent au porcher un si grand mal de cœur qu’il vomit sur la barbe du quêteur tout ce qu’il avait mangé. Mon oncle, qui avait le jugement non moins égaré, demandait qui avait amené chez lui tant d’ecclésiastiques, les objets se multipliant à ses yeux. Cependant, je rétablis la paix entre les deux combattants et les engageai à se lâcher. Après quoi je relevai l’archer qui était par terre, fondant en larmes. Je mis sur son lit mon oncle, qui salua un grand chandelier de bois qu’il avait, croyant que c’était un convive. J’ôtai au porcher sa corne et j’eus toutes les peines du monde à le faire taire, pendant que les autres s’endormaient. Il ne cessait de la redemander, disant que jamais personne n’avait su en tirer autant de tons que lui et qu’il voulait avec elle accompagner l’orgue. À la fin cependant il se tut, et quand je les vis tous endormis, je les laissai là.

Je sortis de la maison et je m’amusai toute l’après-dînée à parcourir et à voir la ville où je suis né. Je