Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/166

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c’était pour cause de sodomie. Quand le concierge le grondait pour quelque méchanceté, il l’appelait sommelier du bourreau et dépositaire général de crimes. D’autres fois il le menaçait en disant : « Veux-tu jouer, malheureux, avec celui qui doit te réduire en fumée ? Dieu est Dieu ; qu’il te punisse ! » Ce misérable avait avoué son crime, et il était si maudit, que nous mettions des muselières à notre derrière et que personne n’osait lâcher un vent, de peur de lui rappeler le souvenir de l’endroit où l’on a les fesses.

Il était lié d’amitié avec un autre, qu’on appelait Robledo et par sobriquet le Grimpé. Il disait qu’on l’avait arrêté pour des libéralités et, la chose éclaircie, il se trouvait qu’elles consistaient, de la part de ses mains, à voler libéralement tout ce qui s’offrait à elles. Il avait été plus fouetté qu’un cheval de poste, car tous les maîtres de hautes-œuvres avaient essayé leurs mains sur lui. Son visage était si couturé qu’en comptant les points il n’aurait pas craint de perdre un brelan contre un flush. Il avait les oreilles impaires et les narines recousues, mais pas si bien que l’entaille qui les partageait.

À ces deux hommes-ci s’en trouvaient joints quatre autres, rampants comme des lions d’armoiries, tout chargés de chaînes, et condamnés à aller remuer la rame. Ils disaient qu’ils pourraient bientôt se vanter d’avoir servi le roi sur terre et sur mer, et l’on ne saurait croire avec quelle impatience et quelle joie ils attendaient le moment de leur départ.

Tous ces gens-là, fâchés de voir que mes camarades