Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/189

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et si je gagne un procès, qui est en bon train, je n’aurai besoin de personne. « À l’instant la tante s’écria : « C’est très bien, monsieur, et que j’aime à vous voir penser ainsi ! Ne vous mariez qu’à votre goût, et avec une femme de bonne souche. Pour moi, monsieur, quoique je ne sois pas fort riche et qu’il se soit présenté de fort bons partis pour ma nièce, je n’ai jamais voulu la marier, parce que les hommes n’étaient pas de qualité. Elle est pauvre, car sa dot n’est pas de dix mille ducats, mais pour ce qui est de la pureté du sang, je ne le cède à personne. » – « Je le crois très bien, » répliquai-je.

Les demoiselles interrompirent alors la conversation et demandèrent aux deux chevaliers quelque chose pour goûter. Ils se regardaient l’un l’autre, et étaient fort embarrassés. Je saisis l’occasion et je témoignai mon regret de n’avoir pas mes pages pour envoyer chercher chez moi des boîtes de confitures que j’avais. Elles m’en firent leurs remerciements et je les invitai à aller le lendemain à une maison de campagne, qui était une espèce de guinguette, leur promettant d’y faire porter quelques viandes froides. La proposition fut acceptée ; elles me dirent leur demeure, et me demandèrent la mienne. Cependant le carrosse s’éloigna, et nous reprîmes, mes compagnons et moi, le chemin de la maison. Charmés de la générosité avec laquelle j’avais offert le goûter, ils conçurent de l’amitié pour moi, et voulant me le témoigner, ils me prièrent à souper ce soir-là. Je me fis un peu presser, quoique pas trop, et j’allai souper